Du 20 mars au 1er juillet 2024, les Archives nationales vous propose une exposition consacrée à la notion de Sacrilège! au regard de l’État, des religions et du sacré.
Rendez-vous à l’Hôtel de Soubise pour découvrir la mise en scène proposée pour ce sujet d’actualité.
Le commissariat scientifique réunit Amable Sablon du Corail, conservateur général du patrimoine, responsable du département du Moyen-Âge et de l’Ancien Régime des Archives nationales et Jacques de Saint Victor, professeur des universités en histoire du droit et des institutions.
Le commissariat de la partie technique était cordonné par Alexandra Hauchecorne la chargée d’exposition au département de l’action culturelle et éducative des Archives nationales.
Ainsi que le souligne le directeur Bruno Ricard dans la préface de l’ouvrage qui accompagne l’exposition, une vingtaine d’institutions « ont permis de présenter des documents, des œuvres et des objets nécessaires à la compréhension et à l’illustration d’un sujet aux formes complexes et changeantes selon les époques. »
Le parcours s’articule en trois parties :
–1ère partie : L’invention d’un interdit, le blasphème
Il varie selon la place que chaque société attribue au sacré.
et la chasse-reliquaire de Saint-Etienne (Gimel-les-Cascades en Corrèze, église paroissiale Saint-Pardoux)
Le parcours commence en 399 av.J.C. à Athènes, Socrate a été condamné à boire la ciguë. Il est sacrilège car il ne reconnait pas les dieux de la Cité et corrompt la jeunesse.
Saint Étienne sera le premier martyr chrétien, très populaire. Il a été condamné à mort, à la lapidation, par le Sanhédrin (assemblée siégeant à Jérusalem) pour blasphème comme l’avait été le Christ. Sa foi convertira Saint Paul (Saul de Tarse).
Sacrilège ou blasphème? La différence varie pour les débuts du christianisme.
Avec Saint Louis (Louis IX) se développe la religion royale. L’offense faite au roi est une offense faite à Dieu. Il va lutter contre toutes formes d’impiété, de sacrilège, affirmant son autorité par rapport à l’église.
Après l’échec de la septième croisade, il va poursuivre les blasphémateurs avec une grande cruauté, mutilation, mise à mort.
Son petit-fils Philippe Le Bel multipliera les procès politiques arbitraires. Il fera nommer le pape Clément V qu’il installera en Avignon. Prétextant l’hérésie, il s’en prendra aux Templiers qui dépendent du pape qui ne prendra pas leur défense. Nous connaissons tous la fin de cet épisode dramatique un bûcher au bout de l’île de la Cité et la légende qui l’accompagne…
Cette première partie évoque également les guerres de religions qui éclatent en 1562. Le protestantisme avec les affiches anticatholiques placardées d’où le nom de placard posé jusque sur la porte du roi que vous pourrez lire.
Le chevalier de la Barre est bien connu des Montmartrois. Sa statue se trouve square Nadar.
Il ne s’est ni découvert ni agenouillé lors du passage de la procession du Saint-Sacrement. Il est condamné à mort pour sacrilège en 1766. Car en plus on a trouvé un ouvrage de Voltaire, à son domicile.
L’écrivain et philosophe qui luttait contre le fanatisme et l’intolérance religieuse, alors en Suisse, mobilisera ses amis et mettra publiquement le tribunal en accusation mais sans aboutir.
Cette affaire fait la transition avec la seconde partie, non sans que soit évoquée auparavant la sorcellerie.
2e partie : de la lèse-majesté à l’offense au chef de l’État
Deux rois ont été assassinés Henri III (1589) et Henri IV (1610). En 1757, Louis XV est attaqué au couteau par un marginal Robert-François Damien. Il n’a fait que blessé le roi… Il va être condamné à être écartelé en place de Grève. Vous pourrez découvrir plusieurs documents et objets qui se rapportent à son affaire.
(Paris, archives nationales, Pièces à conviction et objets saisis)
Les Jésuites vont, en 1764, être expulsés hors de France. Ils ont fait faillite en Amérique du Sud. Ils avaient été expulsés du Portugal après un attentat raté contre Joseph 1er. Louis XV leur est favorable mais pas le parlement.
Sur la grande toile Typus religionis, (6,5m de large x3,2m de haut) du collège des jésuites de Billom en Auvergne, les rois Henri III et Henri IV se noient parmi les hérétiques et apostats.
Les deux rois ne se retrouvent pas sur le vaisseau de la religion, conduit par Ignace de Loyola qui embarque des régicides.
Vous pourrez en saisir tous les détails grâce à un pupitre de commande qui éclaire par zones successives le tableau (8 zones au total).
Le protestantisme et le jansénisme ont fait vaciller la religion catholique.
La Révolution française va attaquer la sacralité du pouvoir.
Un nouveau sacré va se mettre en place, une sorte de régénération sera inventé. Des religions civiques naissent. Ci-dessous, un artiste anonyme a proposé une Allégorie de la Constitution de 1791 avec le retour d’Astrée la dernière des immortelles… (Château de Fontainebleau, musée Napoléon 1er).
La façade occidentale de Notre-Dame visible ici est de Vincent Hantier (Bibliothèque nationale de France)
Les corps des rois ont été sortis de leurs tombeaux, exhumés et profanés. Ils étaient réunis à la cathédrale de Saint-Denis, (1793-1794). La représentation des rois est effacée sur la façade de Notre-Dame, les statues sont détruites. Un nouveau crime est créé celui de la lèse-nation et bien sûr subsiste le blasphème… contre la Constitution. Robespierre va organiser sa gigantesque fête de l’Être suprême début juin, il mourra fin juillet 1794.
Le sacrilège, le blasphème sont là. religion, croyance, politique sous-tendent la richesse du propos. Il s’est enrichie au fil du temps. On peut en retrouver les mots et les maux avec le bandeau installé dans cette seconde partie.
Ainsi que le soulignent les commissaires de l’exposition, l’offense au chef de l’État, instaurée en 1881, est devenue un délit archaïque qui n’est pas sans rappeler le crime de lèse-majesté. Il a été largement utilisé, de 1940 à 1944, sous le régime de Vichy. Et reviendra pendant la guerre d’Algérie. Il sera supprimé en 2013. L’épisode du « Casse toi, pov’con » du président Nicolas Sarkozy figure ici. Son emploi en slogan donnera lieu à la dernière offense au chef de l’État et son abolition cinq ans plus tard.
3e et dernière partie, le sacrilège dans une perspective contemporaine
La liberté de la presse de 1881 est toujours en vigueur. La séparation des Églises et de l’État a mis fin au régime du Concordat signé par Napoléon en 1905 : « La République ne reconnait, ne salarie, ni ne subventionne aucun culte ».
L’inventaire des biens des églises qui accompagne la nouvelle loi va vite tourné court.
Un engouement pour les reliques, vraies ou fausses, des célébrités religieuses ou politiques s’installe.
Un nouveau délit de provocation à la discrimination, à la haine à la violence, est encadré par la Loi Pleven en 1972, afin de lutter contre le racisme.
Mais la question reste posée au regard des derniers événements liés à la liberté d’expression, l’incompréhension, les réactions violentes et criminelles. Un État laïque peut-il vivre indépendamment de toute forme de sacralité ?
Cette grande fresque historique passionnante soulève bien des interrogations tout en respectant les convictions de ses visiteurs.
Nous ne vous offrons ici brièvement qu’un aperçu, quelques thèmes, quelques lois à vous d’en découvrir plus.
Sur l’affiche le tête vandalisée de l’Arc de Triomphe, en 2018, le Génie de la Guerre sculpté par Rude connu également sous le nom de La Marseillaise a été choisi : « l’exposition bouscule les frontières entre le spirituel et le temporel, le religieux et le laïc, le sacré et le profane. »
L’ouvrage : Sacrilège! l’État, les religions et le sacré, sous la direction d’Olivier Hanne permet d’aller plus loin dans les réflexions sur le sujet (192 pages très illustrées, une co-édition Gallimard Archives nationale; 35 euros)
Deux conférences sont prévues le 27 avril 2024 et le 8 juin 2024.
La visite de l’exposition est gratuit et libre. Elle est ouverte du lundi au vendredi 10h-17h30, samedi et dimanche 14h-19h; fermeture le mardi et le 1er mai.
