En 1971, Stanley Kubrick dans son film Orange Mécanique s’interrogeait sur la psychologie comportementale et le conditionnement psychologique. En 2019, peut-on améliorer l’humain, le réparer, le rendre plus sociable ? Où en sont les recherches dans ce domaine sensible qui pourrait voir naître des chimères et renouer avec l’eugénisme ? Que dit la loi en la matière?
Le 10 avril 2019 à la Maison du Barreau, pour ses cinq ans la Grande Bibliothèque du Droit (LaGBD) proposait deux tables rondes sur le thème du Transhumanisme, l’humain augmenté.
Après l’allocution de bienvenue du Bâtonnier Marie-Aimée Peyron et les propos introductifs du professeur Philippe Dupichot (Paris I), secrétaire général de l’association Henri Capitant des amis de la culture juridique française, Didier Guével, professeur de droit privé et de sciences criminelles (Paris XIII- Sorbonne Paris Cité, doyen honoraire) animait la première table ronde concernant les outils techniques du transhumanisme.
Sonia Desmoulin-Canselier, docteur en droit privé, chargée de recherche CNRS, était venue de Nantes pour nous parler des travaux au sein du laboratoire universitaire de droit et changement social. Il a été question de stimulations cérébrales, chimique, directe mais aussi profonde via une intervention neurochirurgicale notamment pour soigner la maladie de Parkinson. Elle a souligné l’importance de l’encadrement médical de ce type de dispositif qui tout en stimulant une zone faible ou malade peut entraîner des troubles comportementaux, générer des excès, un hyper dynamisme, une conduite violente voire antisociale. Elle rappelait que les moyens chimiques pouvaient quant à eux induire addictions et troubles du comportement.
L’ingénieur Jean –Louis Constanza , directeur de la société Wandercraft a brossé un tableau de l’offre robotique et mis en évidence que le robot humanoïde est un vieux rêve car « L’intelligence a besoin d’un corps ». Il faut conjuguer 3 facteurs difficiles à combiner, la réflexion, la manipulation et la marche. Réfléchir demeure une notion complexe. L’intelligence artificielle est actuellement utilisée pour des tâches spécifiques. La manipulation est compliquée. En ce qui concerne la marche, un long et méthodique travail de recherche et d’expérimentation porte sur des exosquelettes pour une rééducation des paraplégiques. Le robot marcheur reste confronté à la notion d’équilibre qu’il doit garder et aux franchissements des obstacles. Cependant les travaux avancent à grands pas sur ces sujets.
Avec Aline Cheynet de Beaupré, professeur de droit privé à l’université d’Orléans, les manipulations génétiques ont été abordées sous leurs deux aspects, la réparation et l’amélioration. Les agriculteurs améliorent ainsi qualité et rendement de leur production. L’élevage animal subit lui aussi des manipulations pour une sélection qui n’a plus rien de naturel et qui peut aller jusqu’à la création de chimère. Sur l’humain des interventions à visées thérapeutiques sont possibles. Elles peuvent permettre de soigner certaines maladies comme la mucoviscidose en supprimant le génome altéré et en évitant sa transmission.
Afin d’aborder les enjeux de cet humain en devenir, la seconde table ronde était conduite par Me Emmanuel Pierrat. Il accompagne la Grande Bibliothèque du Droit depuis sa création. Il prépare pour chaque conférence annuelle une thématique d’actualité qui s’adresse ainsi à un public varié et international.
Me Jean-François Péricaud avait à traiter de l’eugénisme et du sens moral.
Il est revenu sur cette notion d’eugénisme qui demeure étroitement lié à la politique allemande d’extermination, de sélection et aux expériences conduites par ses savants durant la seconde guerre mondiale.
Mais que dit le code pénal? Comment encadre-t-il le transhumanisme? Jacques-Henri Robert, professeur émérite (Paris II) a décortiqué les codes à la disposition des juristes et avocats. Il a démontré que le transhumanisme « existe déjà et tout le monde l’approuve, avec le viagra, le dopage, la PMA, la chirurgie esthétique, la stérilisation…» Il est vrai que certains pays avancent dans leurs recherches sans souci déontologique et en toute impunité sur des sujets sensibles comme le clonage et la modification d’embryon humain afin que le bébé voulu corresponde à un choix défini au préalable.
Me Edmond-Claude Fréty, président de l’association Cerveau droit sur le thème Cerveau et libre arbitre posait quelques questions sur le fonctionnement de nos neurones : Qu’est ce que décider? Faire ou ne pas faire? Le cerveau décide-t-il? Qui condamner pour un implant mal positionné?
L’avancée de la neuroscience va amener les avocats à se poser de nouvelles questions. De nouveaux intervenants, de nouveaux experts prendront le chemin des tribunaux. Mais le cerveau est complexe et nous ne sommes qu’au début des connaissances.
Le mot de la fin était donné à Agnès Secretan, Juriste, Centre de documentation de l’Ordre des avocats de Paris, afin qu’elle présente la Grande Bibliothèque du Droit.