Le 6 avril 2016, à la maison du Barreau, avocats, juges, juristes et curieux comme Les Nautes de Paris étaient réunis pour fêter les deux ans de la Grande Bibliothèque du Droit, créée à l’initiative de l’ordre des Avocats de Paris. Cette bibliothèque juridique participative, numérique et gratuite a été mise en place et est coordonnée par l’avocat Emmanuel Pierrat.
la GBD, proposait donc à cette occasion une table ronde en phase avec l’actualité « La réforme du droit du travail : entre flexibilité de l’emploi et protection des salariés, le difficile compromis. »
Le texte du projet de réforme du droit du travail défendu par Myriam El Khomri dans sa version a été déposée à l’Assemblée Nationale le 24 mars 2016 est censé améliorer la compétitivité des entreprises et favoriser l’emploi. Ce projet prévoit de modifier en profondeur le code du travail, en assouplissant la législation afin de favoriser le recours à la négociation collective. Il prévoit divers changement en matière de durée du travail, d’indemnités prud’homales, de licenciement… Et suscite une vive opposition.
Le bâtonnier Frédéric Sicard,
en introduction, a rappelé que « la simplification du droit social pour un droit sans complexité » le laisse perplexe. Notre société est de plus en plus complexe, alors le droit pour être en phase ne peut-être que de plus en plus complexe. Le travailleur au cœur de l’entreprise se retrouve face à un code de plus en plus illisible. Mais, cette réforme est cependant « un premier pas en droit comparé vers L’Europe. »
Véronique Tuffal-Nerson avait contacté les divers intervenants sollicités pour ce débat avant que les 61 principes fondamentaux identifiés par le comité Badinter qui devaient figurer en préambule du projet El Khomeri soient retirés. Dès fin mars le Conseil Constitutionnel avait préconisé de les retirer, tous les principes n’étant pas de même nature et ne renvoyant pas aux mêmes notions comme ce qui concerne les droits et libertés au sein de l’entreprise. Ainsi la liberté religieuse au sein de l’entreprise qui reprend la jurisprudence ne sera donc pas reprise dans le nouveau code du travail.
Deux membres du Comité Badinter étaient donc invités Olivier Dutheillet de Lamothe et Laurence Pécaut-Rivolier.
Olivier Dutheillet de Lamothe, avocat associé entré chez CMS bureau Francis Lefebvre en 2014 a été notamment membre du conseil constitutionnel (2001-2010) et président de la section sociale du Conseil d’Etat (2011-2014). Il a dénoncé« une judiciarisation et une politisation excessives » ; un recours de plus en plus fréquent aux prudhommes qui représente un frein à l’embauche. Cependant la réécriture du code du travail, il y croit, lui qui tout au long de sa carrière s’est souvent penché sur de nombreux projets de lois sociales qui n’ont pas abouti.
Laurence Pécaut-Rivolier, la magistrate a choisi de parler en son nom propre et non plus comme membre du comité Badinter. « On n’y a cru jusqu’au bout ». Des juristes d’horizons divers se sont réunis et ont défini les fondamentaux sur lesquels ériger le nouveau code, la loi Travail El Khomri. Ils ont ainsi retenu 61 piliers incontournables. Mais, ceux-ci ont soulevé des protestations et ont été vus comme de nouvelles lois. Ils ont été écartés.
Jean-Jacques Forrer président de la délégation des Barreaux de France à Bruxelles a rappelé qu’une charte sociale européenne existait et que la compétence était partagée en matière de droit du travail. « La négociation devrait en être le point central. » Cette réforme nous est demandée par l’Europe. Il faudra la faire.
Philippe le Blon directeur des ressources humaines de l’agence France Presse. Il a beaucoup négocié dans des secteurs professionnels qui ont différentes conventions collectives et des syndicats forts au groupe Bayard Presse et aux NMPP. A ses yeux le renforcement de la négociation collective est un bien pour les grosses structures, mais pas pour la multitude de petites structures. A ses yeux la simplification du code rend la négociation plus complexe. Nous n’avons pas de culture de la négociation. Il n’y pas de dialogue au moment de la rupture. « Le code du travail, il faut qu’il soit vivant. »
Didier Porte, secrétaire confédéral Force Ouvrière. Le syndicat a refusé en bloc le projet. « L’objectif du code n’est pas de créer de l’emploi. » On assiste à un affaiblissement de la négociation dans l’entreprise par rapport aux accords collectifs signés branche par branche. Pour ces accords épars qui vont naître, selon lui il faudra peut-être créer une mise en ligne baptisée : « légauxfrance ou legofrance ». Un clin d’oeil au très utile legifrance.
Pierre Joxe premier président honoraire de la cour des comptes, ministre de l’Intérieur (1988-1991), ministre de la Défense (1991-1993). S’interroge sur le sens de l’accord engagé ? On dit que le code du travail est un obstacle à l’embauche et nuit à l’emploi. Mais le droit ne peut pas être simple. Il a rappelé : « avant de parler de droit du travail on parlait de législation industrielle.» Assisterait-on à la déconstruction du droit social ? « Les lois sont nées de la confrontation entre les patrons et les salariés ». Le droit du travail est donc compliqué. La formation est une nécessité. Des réformes utiles sont retardées.