La Maison de Victor Hugo, place des Vosges, Paris 4e, a mis en scène, jusqu’au 21 février 2016 : « Eros Hugo, entre pudeur et excès », un parcours chronologique dans la vie et l’œuvre de l’écrivain qui est « pudeur quand il réserve à des publications posthumes les poèmes très sensuels écrits pour ses grands amours que furent Juliette Drouet, Léonie Biard et Blanche Lanvin. Pudeur également quand il s’interdit toute intrusion du côté de l’érotisme, fût-il littéraire, alors que le siècle tout autour de lui y verse abondamment. » souligne Vincent Gille, commissaire de l’exposition.
Adepte du marivaudage, entre galanterie et plaisirs faciles, Victor Hugo est un homme de son siècle, du XIXe siècle, pourquoi serait-il si différent de ces congénères ? Son oeuvre ne se veut pas grivoise.
Il a une femme, des maîtresses, fréquente les coulisses des théâtres, séduit les jeunes femmes à son service, des prostituées, prend des notes, dessine des corps nus qu’il épie parfois avec ses jumelles.
La censure est forte. En cette période d’Orientalisme, les peintures et dessins de femmes nus sont baptisés odalisques, du nom des jeunes vierges enfermées dans les Harem. Les femmes sont couvertes de la tête aux pieds. Lorettes et courtisanes tarifient les parties du corps qu’elles dénudent.
Eve, en qui se confond Satan avec Dieu
L’image de la femme dans son œuvre et celle d’une victime de la concupiscence des hommes telle Fantine (Les Misérables). La femme déesse se retrouve face au désir non gérable du demi-dieu Eros. Car a-t-il écrit, « à l’instant, où la femme naquit, est morte l’innocence ». Eve est une pècheresse, une séductrice, « l’être en qui Satan avec Dieu se confond ». «cf. La femme, écrit en juin 1842 in « Toute la Lyre ».
Les femmes au XIXe siècle, n’ont toujours pas, malgré la Révolution proche, les mêmes droits que les hommes dont elles dépendent.
Il nous a transmis l’image d’un homme qui vit dans un monde entièrement possédé par le désir, ce que met en évidence cette exposition. Une dichotomie s’est opérée entre l’écrivain et l’homme. Il ne s’aventure pas dans des récits où ses héros feraient l’amour. Un souffle épique enveloppe son œuvre. Cet homme vit avec passion et donne vie, avec lyrisme, à des héros de la même trempe. L’amour passion non partagé, décrit par Hugo est tentation et violence (Notre Dame de Paris). L’amour partagé est pur ; l’écrivain ne peut donc pas décrire de scènes d’alcôves et garde ses distances (les Misérables).
Par contre, l’écrivain décrit le rut de la nature au printemps qui est sous l’influence d’une énergie cosmique, celle du satyre, du dieu Pan qui a inspiré ce Soir de Printemps, d’Arnold Böcklin.
Le commissaire de l’exposition nous rappelle qu’Hugo écrivait en 1876 : « Ce qu’on appelle passion, volupté, libertinage, débauche, n’est pas autre chose qu’une violence que nous fait la vie » Et d’ajouter : « Cette violence touche à la fois aux passions de Victor Hugo qui fut un grand amoureux, et à sa sexualité, qu’on s’est complu à présenter comme frénétique. Elle touche à certaines qualités de son œuvre : la puissance, la générosité, le lyrisme. »
Le Satyre personnage central
Personnage central dans la Légende des Siècles, le Satyre est donc omniprésent tout au long de cette présentation.
Vincent Gille met en évidence qu’ « Il est aussi excès dans l’expression des passions hallucinées de Notre-Dame de Paris et de L’Homme qui rit. Excès quand il laisse libre cours à la force vitale qui est celle, agissante, chaotique, omniprésente, du dieu Eros. Une extraordinaire puissance porte l’œuvre de Hugo. »
Les œuvres présentées en parallèle, sculptures de Pradier, de Rodin, peintures de Böcklin, Cabanel, Chassériau, Corot, Courbet, dessins et gravures de Boulanger, Delacroix, Devéria, Ingres, Gavarni, Guys, Rops, des photos de Félix Moulin, de Vallou de Villeneuve…de Vivant Denon témoignent de la force de l’érotisme dans la création au 19ème siècle; Alors que, Victor Hugo ne s’est jamais placé sur ce terrain-là.
A vous d’en juger !
Du mardi de 10h à 18h, fermé le lundi. Tarif plein 7 euros, réduit : 5euros
Photos : Dominique Germond.