En novembre 2016 au Salon de la photo à Paris (porte de Versailles), l’exposition : « Jean Marquis : un regard lumineux » qui réunissait une centaine de photos a remporté un grand succès.
Le photographe âgé de 90 ans a été présent durant deux jours pour des séances de dédicaces personnalisées. Un de ses amis de longue date, photographe et éditeur de livres de photos John G. Morris qui vient de fêter ses 100 ans était venu tout spécialement, il travaille actuellement sur un projet personnel «My Century».
Le regard de Jean Marquis sur les gens et les choses n’a pas perdu de son acuité.
Né en 1926 à Armentières. Très tôt à Lille, il joue en amateur dans la troupe théâtrale Clairjoie (à l’Institut Diderot aujourd’hui Baggio). En 1948, il sera l’assistant de Jean Rouvet lors d’un atelier à Phalempin (59) où il rencontre Susie Fischer qui se passionne elle aussi pour le théâtre. Jean Rouvet va bientôt rejoindre Jean Vilar au TNP (Théâtre National Populaire), à Paris.
Le jeune couple gagne Paris où se trouve le photographe Robert Capa, cousin de Susie. Jean Marquis va être animateur d’art dramatique pour l’UFOLEA, l’union française des œuvres laïques d’éducation artistique. Le théâtre va demeurer une passion mais la photo l’attire, lui offre d’autres décors, d’autres personnages, d’autres mises en scène et surtout une grande liberté de mouvements. Le photoreportage qui balbutie sera son métier. Cependant, il jouera encore au théâtre en amateur.
Sa scène désormais va être la rue, l’actualité, le quotidien des Français, le monde du travail, la société qui change. Il voyage, découvre d’autres univers en province et à l’étranger. Décors et acteurs changent au gré de ses déambulations photographiques dans la France qui se reconstruit, de jour comme de nuit, en clair-obscur. Son œil plonge dans le cœur de ceux qu’ils croisent. Il capte en un regard des séquences de vie, des émotions. Dans son viseur, il arrête et fixe l’instant. Des saynètes s’impriment sur la pellicule et sont réunies sur ses planches contact qu’il conserve précieusement. La ville et ses transformations, le travail des artistes, le geste de l’artisan, des instants ordinaires deviennent exceptionnels une fois cadrés dans le viseur du photographe qui saisit une attitude, un mouvement, une main en action.
On parle pour cette période de photo humaniste, car c’est bien l’humain qu’il capture dans son ordinaire, dans son quotidien.
Parrainé par Robert Capa, formé au tirage photographique dans l’atelier de Pierre Gassmann Pictorial Service devenu Picto, il va être également influencé par le travail de Henri Cartier-Bresson.
Jean Marquis est arrivé à Paris au début des années cinquante. L’agence Magnum qui fonctionne sur le mode coopératif vient d’être créée en 1947 à New York par Robert Capa (Bob), Henri Cartier-Bresson, George Rodger et David Seymour (Chim). Capa met en place le bureau de Paris. Susie la petite cousine du grand Bob que Jean vient d’épouser en 1950 parle anglais. Elle va être le lien entre le bureau de Paris et les bureaux anglais de New York et Londres et sera à l’écoute des photographes.
Capa veut également accueillir de jeunes photographes. Jean va ainsi plonger dans le bain qui révélera le reporter qui est en lui. Son dossier de présentation pour intégrer l’équipe, il le fera sur la rivière de son enfance, la Deûle. Devenu membre de Magnum les reportages vont s’enchaîner.
Magnum’s First une exposition oubliée qui voyage
Ses photos de la Hongrie prises en 1954 avec le Leica acheté à Henri Cartier-Bresson figurent dans cette première exposition itinérante de Magnum « Visages du temps ». Présentées dans cinq villes autrichiennes et à Cologne pour la Photokina en 1956, les photos rendues à l’Institut français d’Innsbruck, à l’issue de leur périple ont été oubliées dans une cave. Retrouvés en ce début de XXIe siècle, les quatre-vingt trois clichés en noir et blanc des premiers photographes de l’agence : Werner Bischof, Robert Capa, Henri Cartier-Bresson, Ernst Haas, Erich Lessing, Inge Morath, Marc Riboud, Jean Marquis ont été à nouveau exposés sous l’appellation Magnum’s First en Autriche (2008), à Lujblijana en Slovénie (2012), à Madrid (2014). A Budapest en Hongrie (2014), Jean s’y est rendu en famille accompagné de son épouse Susie. Il y a commenté son ancienne «incursion de l’autre côté du rideau de fer» dans l’après-guerre.
Il a participé à de nombreuses expositions individuelles et collectives mais celle-ci reste chargées de souvenirs. Magnum’s First poursuit son périple Séoul (2015), Tokyo (2016) Monschau (Allemagne, 2016). Peut-être la verrons nous un jour à Paris.
Photographe de terrain, photojournaliste, Jean Marquis témoigne sur le monde du travail en ville, à l’usine, dans les ateliers, à la mine, à la campagne. Il capture des temps forts de l’actualité, des mobilisations populaires, la manifestation au métro Charonne (février 1962) ou encore Mai 68 à Paris. Paris qui se transforme, se révolte.
Photographes de personnalités
Il a photographié des personnalités, notamment des mannequins : Bettina, Suzy Parker, Sophie Litvak ; des cinéastes : Jean Renoir, François Truffaut, Henri Decoin, Luchino Visconti et leurs artistes sur les plateaux de tournage ; des hommes politiques : Pierre Mendès France, le général de Gaulle ; des artistes comme Alberto Giacometti, des femmes de lettres comme Françoise Sagan….
Il a rapidement pris son indépendance. Il est resté chez Magnum jusqu’en 1957. Il a travaillé pour la presse :Time magazine, Life magazine, le New York Times, L’Express, Paris Match, Science et Vie, l’Echo de la Mode, Biba. Ses photos accompagnent le texte « Il ne m’est Paris que d’Elsa », de Louis Aragon (Laffont 1964) ; ou dans un autre registre, le livre de Léon Zitrone « La vie d’un cheval de course » (Del Duca-Laffont, 1963).
Production : Les Nautes de Paris
Jean Marquis, l’oeil du photographe, Interview extraits
En décembre 2016, pour ce premier entretien entouré des siens, nous avons abordé avec Jean Marquis la technique. Nous avons parlé de ses appareils photos et zoomé sur Montmartre, du tournage de French Cancan mais aussi de son travail personnel né de rencontres au grè de ses balades notamment avec les enfants de la Butte.
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