27 septembre 2016, cela fait deux ans que s’est éteint l’éditeur parisien Jean-Jacques Pauvert. Emmanuel Pierrat qui a été son avocat durant les vingt dernières années de sa vie nous retrace le parcours d’un des derniers grands «aventuriers de l’édition » et nous fait partager ses nombreuses aventures personnelles, sentimentales et éditoriales (livres et revues).
Il revient sur les choix réfléchis d’un éditeur « libertin et libertaire » condamné de nombreuses fois mais resté libre. Toute sa vie « amoureux des livres et des auteurs les plus littéraires comme les plus licencieux ». Il a édité et vendu dans sa librairie Vian, Roussel, Breton, Sade, Bataille, Genet, Rebatet ou encore Albertine Sarrazin (L’Astragale) et bien d’autres. Il a aussi été directeur de collections chez de nombreux éditeurs aussi différents que Gallimard, Ramsay, Garnier, Losfeld, Tchou ou la Musardine . « On peut estimer à 3000 le nombre d’ouvrages qu’il aura contribué à faire exister ». Son catalogue d’éditeurs est « riche aussi bien de livres qui ont marqué la littérature que de conflits avec la censure ». Mais aussi de trouvailles graphiques et techniques pour habiller ses livres. Il a ainsi fait appel à Pierre Faucheux qui a conçu, entre autres, les couvertures de la collection Libertés (papier : Kraft, format : 9x18cm, typo grasse : Plantin).
Dès 1942 à 14 ans, mauvais élève mais passionné par les livres, il entre comme « apprenti vendeur » chez Gallimard qui est alors boulevard Raspail. Il va y découvrir tous les métiers du livre et l’univers très particulier des collectionneurs de livres rares, des bibliophiles, des librairies et leurs stocks, des bouquinistes et leurs boîtes pleines de trésors. Il mettra en place un petit commerce de livres clandestins et interdits et plongera ainsi au cœur de la littérature érotique avec : « L’Histoire de l’œil » de Bataille, « Le con d’Irène » anonyme à l’époque (mais d’Aragon) et « Les Cent Vingt Journées de Sodome » de Sade, « un véritable choc » nous raconte Emmanuel Pierrat qui consacre un chapitre entier à Sade.
A la Libération, le jeune homme va se lancer dans l’édition. En 1947, il publie les deux premiers volumes de « l’Histoire de Juliette » du marquis de Sade, en toute transparence. Son nom d’éditeur est sur la couverture et l’adresse n’est pas fantaisiste. Il s’agit de celle de ses parents à Sceaux. En juillet 1949, la publication des dix volumes est achevée. Les choses vont se gâter. Il va devoir faire face aux censeurs aux interdictions à répétition, aux procès. Il y aura l’affaire : « Histoire d’O » de Pauline Réage (de son vrai nom Dominique Aury), l’affaire Sade il est alors défendu par le célèbre avocat Maurice Garçon… Les revues, les livres, les auteurs, l’éditeur auteur et libraire, les femmes, les confrères, Emmanuel Pierrat nous dévoile les multiples facettes d’un éditeur subversif et frondeur, une espèce en voie d’extinction.
256 pages, avec un cahier photos de 8 pages ; format: 15×23 cm (édition Calmann-Lévy, Paris. Photocomposé par : PCA ; Imprimé en Italie par Grafica Veneta) Prix : 18,50 euros TTC
Photos et documents : les Nautes de Paris à l’Imec en 1996.