L’exposition : Jacques Prévert, Rêveur d’images
est présentée du 18 octobre au 16 février 2025, au Musée de Montmartre.
Elle réunit comme l’indique la directrice Fanny de Lépinau :
« Ses œuvres profondément poétiques et visuelles qui viennent enrichir notre compréhension de l’univers créatif de l’artiste, et révèlent une liberté artistique et une inventivité sans bornes… »
Une rétrospective, un parcours dynamique (vidéos, enregistrements, documents présentés pour la première fois) a été préparé à l’occasion du centenaire du Surréalisme en 2024 et du soixante-dixième anniversaire de l’installation de Jacques Prévert Cité Véron.
En 1955, le poète vient s’installer, Cité Véron, avec sa famille, sa compagne, sa fille et son chien sous l’appartement de son ami Boris Vian.
Ils feront terrasse commune derrière les ailes du Moulin Rouge.
Les commissaires
Eugénie Bachelot Prévert, petite-fille de Jacques Prévert veille sur le patrimoine, les collections et l’appartement de la Cité Véron (voir notre entretien). Elle veut que l’œuvre de Prévert ne se résume pas à ses poèmes et que l’ensemble de son travail artistique soit davantage vu pour être connu.
« Il y a tant à connaître et à découvrir… J’avais sélectionné trop de documents pour cette exposition. Il a fallu en mettre de côté…»
Elle a préparé cette exposition avec Alice S. Legé, responsable de conservation du Musée de Montmartre, gestionnaire des collections et inventaires qui a négocié différents prêts, notamment avec la Bibliothèque nationale.
Les deux commissaires ne se sont pas arrêtées aux amis et artistes stars, même si on retrouve de grandes photos de Prévert avec eux..
Elles nous font découvrir, Jacques Prévert intime ses collages, ses dessins, les ouvrages de bibliophilie, du courrier, des scénarios…
« Pour faire le portrait d’un oiseau » appartient aux poèmes-images qu’apprennent les enfants, comme « La chanson de La Seine ». Ici pas de poèmes mais des textes et citations qui accompagnent les mises en scènes et ponctuent les situations.
On ne peut plus réduire Prévert à ses poèmes.
Il a eu une vie passionnante, rebelle, faite de rencontres et tournée vers les beaux-arts.
Ainsi que le souligne Alice S. Legé : « Il s’inscrit dans ce domaine grâce aux livres d’art qu’il réalise avec des amis artistes tels que Picasso, mais aussi à travers ses collages, qui révèlent une véritable création visuelle et graphique. Les collages témoignent d’une recherche esthétique particulière, où le « beau » n’est pas idéalisé mais exploré à travers le rythme, l’équilibre ou même le déséquilibre »
La Jeunesse
1924-1928, il sont hébergés chez Marcel Duhamel avec le peintre Yves Tanguy qui peindra la porte de sa chambre.
Duhamel créera chez Gallimard la « Série noire », nom trouvé par Prévert.
Au 54 rue du Château, l’ancien pavillon d’un marchand de peaux de lapins, a été transformé et accueille les amis.
Desnos y fait venir les surréalistes et bien sûr Breton.
Ils se réunissent pour jouer aux « cadavres exquis » initiés par Prévert, avec ces deux mots : «Cadavres exquis … » On plie le papier et on continue, une phrase, un mot ou un dessin.
Le papier une fois déplié raconte une histoire qui n’a pas besoin de sens, parfois sans queue ni tête, mais qui évoque des images parfois loufoques…
Une activité appréciée et typiquement surréaliste.
La première phrase écrite de cette manière collaborative sera « Le Cadavre exquis boira le vin nouveau. »
Ces jeux de mots ou d’images les passionneront.
André Breton les emmènera rue Fontaine.
Prévert participera à de nombreux chahuts mais quittera le groupe après un différent avec Breton.
Il écrira de la poésie militante et joyeuse pour le groupe Octobre. La troupe de théâtre agit-prop (agitation propagande) rend hommage à la révolution russe, accompagne le mouvement ouvrier, au début des années 1930.
Le cinéma et ses scénarios
Prévert mène de front et parallèlement au théâtre l’écriture de scénarios pour le cinéma.
Une nouvelle aventure a commencé avec son frère. Il écrit le scénario de « L’affaire est dans le sac » qui sort en 1932.
D’autres partenariat vont suivre, de grands noms du Cinéma, les réalisateurs : Jean Renoir, Michel Carné, Marc Allégret, Jean Grémillon, André Cayatte. Il a, au total, tourné une centaine de films.
En 1935 pour Jean Renoir, il a écrit les dialogues du « Crime du docteur Lange ». Il rencontrait, l’année suivante, Jean Carné avec lequel il travaillera durant 10 ans.
La peinture, l’art, la bibliophilie
Parallèlement au Cinéma, Prévert écrit pour et avec ses amis peintres. Il noue des relations durables.
Pablo Picasso, André Villers et Jacques Prévert réaliseront ensemble Portraits de Picasso, et Diurnes par opposition à nocturnes. L’ouvrage est à découvrir dans l’exposition.
Il va nous donner des clés pour mieux comprendre chacun d’entre eux. Ses textes accompagnent, éclairent ou analyse le travail de chaque artiste. Certains ont choisi d’illustrer ses mots.
Plusieurs livres d’art sont à découvrir dans l’exposition ainsi que des créations de Calder surnommé L’Ogre aux doigt de fée par Yoyo Maeght.
Prévert nous fait soit entrer dans l’imaginaire comme avec Joan Miro soit l’artiste enlumine les mots du poète comme dans Adonides. Tous les artistes réunis ici se retrouvaient à Saint-Paul-de-Vence, chez Aimé Maeght.
Les collages
Le visuel de l’affiche de l’exposition est un collage réalisé à partir d’une photographie argentique d’Izis : Le Désert de Retz, avant 1963.
1948, il tombe d’une fenêtre de la maison de la Radio. Il sera plusieurs jours dans le coma.
Il ne peut plus écrire et va découper des images, les assembler à la manière de puzzle créant de nouvelles images. Il trouve son inspiration et la base de ses collages pendant ses promenades, lors de ses lectures, parmi les photos de ses amis photographes.
Il en réalisera une centaine en trente ans.
Ses thèmes sont ceux de ses poèmes sombres : la misère, la guerre, le bourgeois, la religion ; de ces poèmes plaisir : l’enfance, l’amour libre, la joie de vivre, la fête.
« Dès qu’on écrit avec de l’encre ou un crayon, on veut faire des images…avec de la colle et des ciseaux c’est pareil, ça dit la même chose. »
Picasso lui disait : « Tu ne sais pas dessiner, tu ne sais pas peindre, mais tu es un peintre. »
L’appartement
1955, il s’installe Cité Véron. Sa petite-fille, seule ayant-droit, veille, aujourdhui, sur l’appartement et les collections.
Laissons la conclusion à Fanny de Lépinau, avant d’écouter sa petite-fille Eugénie Bachelot Prévert, dans la vidéo qui suit.
« L’exposition s’achève dans l’intimité de son bureau de la Cité Véron. Lieu de création par excellence et fantastique cabinet de curiosités, il est à l’image de l’artiste, rêveur d’images et magicien des mots.»
sa petite-fille Eugénie Bachelot Prévert nous parle des collections et du futur de l’appartement Cité Véron qui est en suspens.