Février 2017. Les photos d’Harold Feinstein qui sont exposées jusqu’au 30 avril 2017, à la Galerie Bigaignon* (ci-dessus : Thierry Bigaignon et Judith Thompson) sont celles d’un amoureux des rues, attentif aux opportunités photographiques.
D’un « optimiste contagieux » et indéfectible : « Il n’est jamais sorti en se disant : je vais faire telle ou telle photo. Je vais attendre pour prendre un coucher de soleil… Il capturait dans son viseur l’image qui voulait s’offrir à lui… Lorsqu’il enseignait la photo, car il a été professeur à la New York School of photography, il disait à ses élèves, il ne faut pas partir à la chasse à la photo en se disant je vais faire telle et telle photo. Il ne faut pas chercher la photo, attendre la lumière. Il faut que ce soit la photo qui vous trouve, et sur laquelle vous poserez alors votre regard. Une photo est une rencontre, » précise sa femme Judith Thompson venue tout spécialement des Etats-Unis pour présenter cette première exposition à Paris.
Judith Thompson souligne : « Il avait de cette manière de belles surprises lorsqu’il se retrouvait dans la chambre noire. Il découvrait des choses particulières, des détails ressortaient qu’il n’avait pas forcément vus au moment d’appuyer sur le déclencheur. Mais, il avait aussi des journées qu’il trouvait moins bonnes voire mauvaises.
Ses photos en noir & blanc, il en travaillait les contrastes, les demi-tons ? Lorsqu’il n’a plus fait lui-même les tirages, il les a parfois renvoyés au tireur jusqu’à ce qu’il obtienne le résultat attendu.»
La photo vous cherche, ne cherchez pas la photo
Thierry Bigaignon nous transporte à une heure de Manhattan, au sud de Brooklyn, sur la plage de Coney Island dans les années 40-50, sur les pas du photographe Harold Feinstein pour un premier contact.
Dès l’entrée de la galerie sur votre droite ne manquez pas « Music of the People » (1952), un montage photographique en forme de partition de musique qui donne le ton de son travail. Il faisait de la photo comme on fait des variations en musique autour d’un thème. Il est vrai qu’il a habité le Jazz Loft de New York.
Il nous offre ainsi différentes interprétations de cette musique qu’il écrivait en noir et blanc sur la longue promenade de 5 km, sa plage de sable fin, sa fête foraine, les baigneurs, les promeneurs, les enfants, les groupes de jeunes qui lézardent tout y est, plus d’autres choses… comme des moutons américains sous un ciel d’orage…
Où encore le portrait de W Eugene Smith, son ami Gene. Ils ont travaillé ensemble sur la maquette du projet éditorial baptisé : Pittsburg Project, une histoire qu’il a raconté sur son blog (haroldfeinstein.com).
Cette exposition est le premier volet d’une grande rétrospective qui réunit ici trente cinq photos en noir et blanc (format 40 x 50 cm). Décédé en 2015, il demeure le plus jeune photographe a être entré dans une collection permanente de musée. Né en 1931, il prend ses premières photos en 1946 au Rolleiflex. A 19 ans, sa première photo est achetée par le conservateur du MOMA, Museum of Modern Art of New-York et il entre ainsi dans la collection permanente du musée.
Membre de la Photo League comme Sid Grossmann, Richard Avedon, Robert Frank, l’homme dans toutes ses diversités est au cœur de ses photos. Il participera à la grande exposition « The Family of Man », organisée par Edward Steichen au MOMA (1955) qui réunira 273 photographes de la planète, parmi lesquels les Français Brassaï, Robert Doisneau, Willy Ronis, Edouard Boubat, Izis, Sabine Weiss, ainsi que Henri Cartier-Bresson et Jean Marquis de Magnum que nous avons rencontré en décembre dernier... Ils animaient le courant photographique humaniste…
Nous découvrirons progressivement, sur plusieurs années, d’autres facettes de ce grand photographe, célèbre dans son pays, mais resté méconnu en Europe. Thierry Bigaignon veut lui offrir une vraie renaissance.
La galerie est ouverte, 9 rue Charlot, Paris 3e du mardi au samedi de 12h à 19h