Novembre 2016. Suivons Dominique à Montmartre pour un retour vers les jeux de sa jeunesse. Après avoir fait la course avec le funiculaire en montant par les escaliers (épisode 1), une halte au Sacré-Cœur le temps d’un bain dans la superbe fontaine de Paul Gascq (épisode 2) nous sommes arrivés Place du Tertre en nous faufilant entre les toiles et les peintres (épisode 3). Repartons, maintenant en patins à roulettes. Suivons le pour un quatrième épisode.
« Nos patins ne nous quittaient pas. Quand nous ne les avions pas aux pieds nous les avions à l’épaule.
Après la place du Tertre, nous rejoignions l’impasse Trainée (devenue rue Poulbot depuis 1967). Face à l’espace Dali qui a ouvert en 1991, il y avait là, sur la gauche une friche que nous aurions aimé investir, des ruches y ont été installées depuis. Mais, à l’époque rien à faire, pas de passage pour s’y faufiler. Pourtant, nous avions réussi à écarter les planches de la friche près des escaliers du funiculaire. Nous pénétrions dans de hautes herbes qui nous chatouillaient car hiver comme été nous étions en culottes courtes.
Alors là, nous passions sans nous arrêter pour rejoindre l’impasse Trainée (rue Poulbot).
Rue Norvins, rue Saint-Rustique
Nous traversions la rue Norvins à toute allure, en évitant les touristes et en passant entre la Bonne Franquette où Van Gogh a peint dans leur jardin et le Consulat qui est en face pour arriver rue Saint-Rustique. Nous l’avions rebaptisée rue Sainte-Rustine parce que nous suivions le Tour de France. Ce nom nous semblait plus adapté car nous collectionnions les cartes des cyclistes. En 1959, ce sera le dernier Tour de France de Louison Bobet.
Comme il n’y avait pas de commerçant dans cette très vieille petite rue de Montmartre, nous pouvions y faire des allers et retours sans craindre qu’on nous en chasse. Il est vrai qu’on nous entendait venir de loin, un bruit d’enfer nous précédait. Nos patins souffraient sur les pavés. Le premier bricolage de ma vie a été de changer une des roues qui était tenue par des goupilles.
Après, direction rue Cortot. Nous ne savions pas alors, nous avions 9-10 ans, que nous y frôlions des ombres du passé, en premier, celle du musicien Erik Satie. Ses Gymnopédies et Gnosiennes m’emportent toujours loin des soucis de la vie quotidienne notamment sur l’interprétation de Daniel Ciampolini au vibraphone et Emmanuelle Jaspart au piano que vous retrouverez, souvent sur nos vidéos.
Mais la maison la plus connue est celle qui abrite le Musée de Montmartre. Y ont habité Renoir, Poulbot, Willette, Toulouse-Lautrec, Aristide Bruant, la belle Suzanne Valadon et son fils Maurice Utrillo, André Utter, l’imprimeur Eugène Delâtre. Il y avait aussi Steinlen qui aimait les chats surtout le « Chat noir ». Je partage toujours sa fascination pour cet animal à demi sauvage. J’aime ses dessins que je retrouve dans les revues de l’époque et les partitions de chansons des rues que je collectionne.
Mon cœur est toujours à Montmartre
Le bruit de ferraille que faisaient nos patins sur les pavés et les vibrations dans nos jambes nous incitaient à rejoindre les trottoirs, ou à changer d’activité au bout d’un moment.
Dans cette rue, un cinéaste nous avait remarqués. Contre une poignée de bonbons, il nous a mis en ligne avec d’autres enfants de la Butte. Et, il nous a fait bouger… Je n’ai jamais vu le film et j’ignore qui était le cinéaste. Si quelqu’un a des infos à ce sujet ?
Arrivés rue Cortot, l’escalade était au programme sur le contrefort sur la gauche de la rue, il n’y avait pas encore d’arbre. Le but était de grimper tout en haut. Quand nous y parvenions, nous savourions notre succès ayant vaincu ce rude sommet. Les passants inquiets gâchaient notre joie « faites gaffe les mômes ». Ils nous enjoignaient de redescendre « immédiatement », et souvent ils nous attrapaient pour nous guider dans l’exercice périlleux de la descente vers la terre ferme.
Notre saloon rue des Saules
Poursuivons notre périple par la rue des Saules.
Elle est aujourd’hui défigurée par les bittes interdisant le stationnement.
En prenant la rue des Saules et en voyant la rue de l’Abreuvoir, je pense à chaque fois à Raymond Lansoy enfant de Montmartre devenu grand spécialiste en « bittologie » que les Nautes de Paris ont interviewé, et qui s’indigne: « Ils ont saboté Montmartre…»
La rue de l’Abreuvoir, nous ne la prenions pas car nous nous dirigions vers notre saloon…
Au passage nous jetions un coup d’œil du côté de la vigne en espérant que les hautes grilles soient ouvertes ce qui n’était pas fréquent.
Si c’était le cas, cela nous permettait de faire un rapide détour avant de nous faire courser par les jardiniers qui ne nous comprenaient pas. Nous voulions juste confirmer que le raisin n’était toujours pas du genre à passer à table et que le vin devait être du même tonneau.
Puis, nous redevenions des cowboys mimant une chevauchée qui nous conduisait au saloon à l’enseigne du Lapin Agile.
Là, nous attachions nos chevaux imaginaires aux rambardes de la terrasse.
Nous les y faisions boire avant de repartir pour d’autres aventures, d’autres poursuites, d’autres combats, d’autres jeux par l’escalier qui permet de surplomber la rue Saint-Vincent.
Celui ou ceux qui occupaient la position haute lançaient de fictives grenades sur l’équipe du char passant en contrebas. Cette équipe pouvait être composée de copains ou de simples passants ignorant le rôle que nous leur faisions jouer.
Au bout du parcours d’autres escaliers nous menaient vers l’allée des Brouillards, l’ancien Maquis disparu, et pour nous en direction de la rue Caulaincourt.
Là dans un sous-sol des femmes peignaient des soldats de plomb. Nous passions des heures à les observer par un soupirail. Nous avons longtemps espéré récupérer une figurine, abimée ou ratée. Mais nous n’avons jamais eu de chance. Nous avons beaucoup attendu, à plusieurs ou séparément, pour un résultat négatif. Lorsqu’enfin, l’une d’entre elles se rendait compte que nous les observions elle fermait le soupirail sans un mot et nous repartions.
Dans le prochain épisode : après les patins à roulettes, je vous indiquerai, comme promis précédemment, comment on faisait, à l’époque, une planche à roulette pour descendre la rue Tournelaque.
à suivre en vidéo des documents anciens
Une production : Les Nautes de Paris
coco
Comment posted on 11-22-2016comme il est beau ce petit garçon