Juillet 2016– Episode 2 :
A la sortie du Funiculaire, nous ne pouvons pas gagner la place du Tertre sans évoquer tout ce que pouvait représenter le Sacré-Cœur pour un jeune Montmartrois comme moi.
Pour beaucoup, l’allure générale du Sacré-Cœur évoque une pâtisserie gourmande (une religieuse) pour d’autre un biscuit en porcelaine. Sa blancheur vient en fait des pierres en calcaire de Château-Landon que l’eau de pluie nettoie. Les mêmes pierres ont été utilisées pour La construction de l’Arc de Triomphe. Ces pentes qui étaient restées inoccupées (photo ci-dessus) ont été entièrement transformées au fur et à mesure de la construction.
Le Sacré-Cœur, son jardin était idéal pour tous nos jeux. Nous dévalions à toute allure ses pentes par les allées de côtés. Nous y avons joué aux Cow-boys et aux Indiens, aux récits de cape et d’épée. Nous nous étions confectionnés des épées en bois avec des lamelles de vieux cageots récupérés. Nous avons aussi joué à la guerre et à libérer Paris. Par contre ça s’avérait plus compliqué car personne ne voulait tenir le rôle des Allemands. Nous inventions sans cesse de nouveaux jeux.
Je vous expliquerai un jour comment faire une planche à roulettes rapide, avec des vieux roulements à billes, pour dévaler les pentes de Montmartre.
Notre fontaine
Et puis, il y avait la superbe fontaine avec ses dieux marins sculptés par Paul Gascq en 1932. C’était notre piscine à nous les enfants de Montmartre. Avec Olivier, Bernard, Alain et les autres, nous partagions le bassin avec les oiseaux, les moineaux et les pigeons, mais aussi les chiens errants. L’eau était grise avec des saletés en surface apportées par le vent. Nous glissions sur la mousse verte du fond. Aucun d’entre nous n’a été malade! Un panneau indiquait « Défense de se baigner ». Le gardien nous criait dessus. Nous récupérions rapidement nos vêtements car nous nous y baignions en slip et décollions à toute allure.
On pouvait s’y baigner lors des chaudes journées d’été tout en éclaboussant les promeneurs qui s’approchaient de trop près. Mais elle permettait aussi de s’y cacher grâce aux niches que le sculpteur avait créées. Aucune piscine, même si cette eau était plutôt grise, n’aurait pu remplacer ce bassin qui était le notre. Nous nous imaginions sur la côte d’Azur, à Saint-Tropez avec Brigitte Bardot dans une eau bleue. Nous rentrions trempés à la maison et là « on se faisait sonner les cloches ». Mais, le lendemain on retrouvait les copains. Le jardin s’appelait alors Willette du nom du peintre Montmartrois. Il s’était appelé Saint-Pierre à sa création. Il deviendra Louise Michel en 2004.
Pour des jeunes garçons comme nous, dans les années 50-60, ce grand monument religieux réservait de nombreuses surprises. Si l’accès à la crypte qui abrite des sépultures et l’urne qui contient le coeur de M. Gentil l’initiateur de ce projet aurait pu nous attirer, c’est en fait le dôme qui nous fascinait et nous faisait escalader en faisant la course ses 300 marches.
L’accès au dôme se fait sur le côté. On grimpe à 83 mètres. Le dôme est haut de 55 mètres et fait 16 mètres de diamètre. Arrivés là-haut on pouvait apercevoir dans le campanile la célèbre Savoyarde.
Cette cloche installée là depuis 1907 nécessitait à ses débuts huit personnes pour la mettre en branle. La nuit le dôme éclairé ressemblait à un phare. Offerte par la Savoie, la cloche a été fondue en 1891 à Annecy à la fonderie Paccard. Elle porte néanmoins gravée la date de 1890.
Cette cloche de 19 tonnes a fait son entrée à Paris en octobre 1895 tirée par 26 percherons. Elle sera bénie en novembre. En 1969, les quatre cloches de Saint-Roch : Nicole, Louise, Elisabeth et Félicité l’ont rejointe car l’église de la rue Saint-Honoré était condamnée au silence par sa position au cœur de la ville.
Arrivés au sommet, nous faisions le tour du dôme en courant comme des fous. Peut-être était-ce « l’ivresse des cimes ». Nous étions les maîtres de Paris et dominions la capitale. Notre course effrénée nous donnait le sentiment de remonter le temps.
1870, l’armée impériale capitulait devant Sedan. Napoléon III était fait prisonnier. Nous abandonnions L‘Alsace et la Lorraine. Les Prussiens étaient aux portes de Paris. Pour réparer, en pénitence des péchés commis à l’origine de tous ces maux, Alexandre Legentil va être à l’origine d’un vœu parisien qui deviendra un vœu national en décembre 1870 avec la construction du Sacré-Cœur. Ce n’est donc pas la Commune qui est à l’origine de ce projet. Même si en mai 1871, la Commune fera 20 000 morts.
Les Catholiques se sont donc regroupés autour d’un comité du Vœu national soutenu par l’Archevêque de Paris. Une église va être bâtie pour le rachat des péchés et Montmartre dont la population va grandissante est choisi. Le Sacré-Cœur de Jésus sera déclaré d’utilité publique le 24 juillet 1873. Il sera construit grâce à une souscription nationale qui durera 40 ans et mobilisera dix millions de personnes pour 40 millions de francs.
Un concours d’architecture en 1874. Il a été remporté par Paul Abadie (décédé en 1884). Compte tenu de la durée des travaux, vont lui succéder Honoré Daumet, Charles Laisné, Henri Rauline, Lucien Magne, Louis-Jean Hulot. Les travaux commencent le 16 juin 1875 avec la pose de la première pierre par le Cardinal Guibert.
1878, début des travaux de la crypte. Ils vont ainsi permettre d’y prier. Dès le 1er août 1885 commence alors en une prière ininterrompue « l’adoration eucharistique » (poursuivie sous l’Occupation durant la seconde guerre mondiale).
En novembre 1887, Sainte Thérèse qui s’appelle alors Thérèse Martin est âgée de 14 ans. Avant de se rendre à Rome, elle viendra s’y recueillir.
Dans cette butte de carrières d’où était extrait du gypse, 83 puits de fondations vont devoir être creusés jusqu’à 33 mètres pour soutenir l’édifice. Un système de wagonnets est installé pour pouvoir hisser les matériaux. Cet aménagement permettra d’installer le funiculaire (voir l’épisode précédent).
Son orgue a été construit en 1898 par le grand facteur Aristide Cavaillé-Coll. Son inauguration prévue le 17 octobre 1914 sera reportée la guerre ayant été déclarée. La Basilique sera finalement consacrée le 16 octobre 1919.
Prochaine épisode : place du Tertre
Documents : Les Nautes de Paris
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