janvier 2017, Bibliothèque des littératures policières
Dans les années trente, le magazine Détective a permis à ses lecteurs d’être au plus près de Violette Nozière la paricide grâce à son récit « écrit au jour le jour » à la prison de la petite Roquette. Le public s’est passionné pour sa vie derrière les barreaux. Véritable héroïne de roman noir adulée par les surréalistes, elle sera graciée.
L’hebdomadaire créé à l’automne 1928 proposait des enquêtes policières, des grands procès, du vrai, du sanglant et du romancé voire du bidonné avec feuilleton, roman, nouvelle et jeux. Il publiait des souvenirs de forçats, de grands criminels, des témoignages de prisonniers.
Rapidement Détective atteint les 250 000 exemplaires. La formule « se situe là entre mythe et damnation, auréole et pilori, entre paradis oublié et enfer éternel » précisent les commissaires de l’exposition Amélie Chabrier et Marie-Eve Thérenty dans l’ouvrage qui accompagne cette exposition itinérante (Montpellier, Nîmes, Paris) : « Détective fabrique de crimes ? » présentée actuellement à Paris, jusqu’au 1er avril 2017.
Catherine Chauchard responsable de la Bibliothèque des littératures policières (Bilipo, Paris 5e) co-commissaire avec les deux universitaires à l’origine de ce projet a largement contribué en mettant de nombreux documents à leur disposition, notamment la collection de Détective. La Bibliothèque Marguerite Duras, la Bibliothèque patrimoniale du réseau des médiathèques de la communauté d’agglomérations Pau-Pyrénées, l’Ecole nationale de l’administration pénitentiaire (Enap) et le musée privé du Barreau de Paris (5 rue du Jour, Paris 1er) ont prêté leur concours. Ils ont fourni informations et documents complémentaires.
La photo à la Une à partir du crime de Pantin
Dès le XIXe siècle avec l’affaire Troppmann (1869), la photo plus vraie qu’une illustration va offrir aux lecteurs une nouvelle dimension à ce fait divers crapuleux qu’ils suivront durant plusieurs mois dans Le Petit Journal. L’évolution des techniques d’impression et l’introduction de la photographie ont ainsi ouvert une rubrique faits divers dans la presse. Les événements rapportés par les journalistes ont un plus grand impact. Ils prennent corps. Le goût pour les faits divers photographiés explose dans les années trente, les titres vont se multiplier.
Détective connaîtra « Douze années de parution de faits divers sanglants, de corps mutilés, de femmes violées », des « rumeurs de caniveaux », de « pathétiques reportages » écriront ses confrères. La recette choque mais, elle tient son rôle, elle remplit les caisses de l’éditeur Gaston Gallimard qui s’offre plus de liberté et peut prendre d’autres risques éditoriaux.
Dès 1928, chaque numéro contient une trentaine de photos. Ce nombre va augmenter pour atteindre une quarantaine en 1931. Rapidement les photographes optent pour les photos anthropométriques selon le code mis en place par Alphonse Bertillon.
L’hebdomadaire emmène le lecteur sur ses talons au cœur de l’événement et lui permet en quelque sorte de participer directement à l’enquête. Il l’alimente en sensationnel, en crime sanglant.
Les affaires criminelles photographiées, les grands procès font le Buzz dirions-nous aujourd’hui. De nombreuses photos de procès sont réunies dans cette exposition. Mais les illustrations gardent encore une place.
La recette sur lequel se sont penchés les frères Kessel Joseph et Georges pour Gaston Gallimard a trouvé son public.
« Mais que connaît-on vraiment de son histoire? Comment expliquer une telle réussite? »
En voici les réponses exposées à la Bilipo.
Parmi les collaborateurs de l’hebdomadaire qui paraissait le jeudi, des écrivains comme Georges Simenon et quelques plumes au parfum comme les deux Montmartrois Francis Carco et Pierre Mac Orlan qui écriront et enquêteront pour Détective.
Le journal s’était engagé à représenter « l’irreprésentable ». Parallèlement à Détective l’éditeur a crée d’autres magazines populaires moins trash qui utilisent la photo.
Voilà hebdomadaire de reportage ayant « un ton plus léger et libertin que Détective » sort en mars 1931 et Marianne, hebdomadaire littéraire illustré en octobre 1932. Ainsi à la veille de la guerre, sa photothèque avec ces trois titres est forte de 60 000 clichés que la maison Gallimard ne retrouvera pas à la Libération.
Pour ceux qui veulent en savoir plus, il faut lire :
« Détective fabrique de crimes ? Le grand hebdomadaire des faits divers » par Amélie Chabrier & Marie-Eve Thérenty ; 192 pages au format 21×25,5 cm (édition Joseph K., Nantes ; imprimerie offset 5, La Mothe Achard, 2017). Prix 24,5 euros
Une belle création graphique de Franck Lhomeau soutenue par la mise en page de Cécile You. Ecrit par deux universitaires qui ont mené une solide enquête au sein des archives Gallimard, il vous plongera par le texte et l’image au coeur du journal. Il cerne l’esprit des journalistes qui a contribué à asseoir ce succès populaire des années trente.