18 février 2016, à Paris. Une fois par mois au Musée du Barreau de Paris, le conservateur Emmanuel Pierrat convie professionnels du droit et confrères avocats, mais aussi néophytes comme nous, pour une soirée de « rencontre-débat ». Ce soir là, deux chroniqueurs judiciaires étaient invités.
Petit rappel. Le chroniqueur judiciaire est un journaliste qui dispose d’une carte de presse judiciaire lui permettant un accès prioritaire au Palais de Justice. Ils ne sont que quelques dizaines à avoir la carte nationale. Ils courent les prétoires et tribunaux, assistent aux audiences, interrogent les intervenants dans les limites de la déontologie et du respect des règles de procédure. On se souvient de Frédéric Pottecher commentant devant le petit écran et à la radio le procès Ranucci ; de Jean-Marc Théolleyre au Monde qui a couvert le procès Barbie à Lyon.
Ce soir là au Musée Pascale Robert-Diard, qui aux côtés de Jean-Marc Théolleyre a fait ses premiers pas au Monde, nous parlait de son travail et de son dernier ouvrage : « La déposition » (éditions l’Iconoclaste, janvier 2016). En avril 2014, «deux jours après la déposition du fils, la cour d’assises a déclaré son père, Maurice Agnelet, 76 ans, coupable de l’assassinat de sa maîtresse … ».
Face à elle, Jean-Philippe Deniau chef du service enquête justice de France Inter. « Pour chaque affaire » a-t-il expliqué, « j’essaie de me mettre dans la peau d’un juré comme si je ne connaissais rien de l’affaire… Je suis en lutte perpétuelle avec les infos qui polluent. »
La journaliste Dominique Vernier a écrit à ce propos : « La distance critique nécessaire à un minimum d’objectivation de l’observation est difficile à tenir. »
L’affaire Le Roux, également connue comme l’affaire Agnelet par le public, est une affaire criminelle qui a pour cadre Nice, en 1977. Point délicat de cette affaire qui ira de rebondissement en rebondissement, durant 37 ans, le corps de la victime n’a pas été retrouvé. Voici donc, une victime: Agnès Le Roux l’héritière du casino le palais de la Méditerranée ; un accusé: Maurice Agnelet son avocat et amant marié trois enfants, président de la ligue des droits de l’Homme ; un alibi: Françoise Lausseure sa deuxième maîtresse qui reviendra sur l’alibi fourni. Une accusation d’homicide volontaire, une autre d’abus de confiance suivies de rebondissements. Un troisième procès à Rennes, en avril 2014, a réuni de nombreux éléments et preuves. Il a convaincu les jurés de la culpabilité de cet homme âgé. Les révélations du fils de l’accusé Guillaume Agnelet dans les derniers jours du procès ont troublé les personnes présentes… Verdict: 20 ans.
Pascale Robert-Diard est revenue sur « la déposition », pour comprendre la démarche de ce fils qui lors du procès est « devenu une souris entre les griffes de plusieurs chats. »
Pour Jean-Philippe Deniau qui assistait à ce troisième procès, il s’agissait « d’une thérapie de famille déplacée, emportée par les émotions. Je n’ai pas senti la conviction. Je ne savais plus qui croire. J’ai senti le gouffre à ce moment d’assise où chacun raconte ce qui s’est passé, un vide impossible à combler… Il y a beaucoup d’évidences dans cette affaire, des certitudes des uns et des autres… J’ai plongé dans un profond malaise... »