cabaret

Avez-vous entendu parler de La Descente de La Courtille ? Mais où était La Courtille ?

Au XIIIe siècle, les demeures de bourgeois parisiens construites sur des dépendances des religieux du Temple, jardins potagers ou courtilles (enclos ou jardins champêtres) donnent leur nom au hameau de La Courtille-Saint Martin.

L’enceinte construite sous Charles V (1356-1383) en fait le faubourg du Temple. Durant la guerre de Cent ans, les domaines sont morcelés. Des vignes sont plantées. Elles vont produire, durant le XVIIIe et XIXe siècles, le « guinguet », un vin médiocre et peu cher, dit vin bleu.

Plan de Paris avec l’enceinte bleue des Fermiers généraux et le parcours de la Descente de La Courtille. (En rouge l’enceinte de Thiers, 1841-1844)

La construction du mur des Fermiers Généraux de 1784 à 1790, va diviser La Courtille en Basse Courtille (faubourg du Temple), soumise aux taxes à l’intérieur de la ville et La Haute Courtille (du bas de l’actuelle rue de Belleville, jusqu’à la rue de Tourtille du nom du propriétaire des terrains), de part et d’autre de la barrière de La Courtille (Barrière Belleville) établie en 1788.

Un bal populaire à La Courtille (Gallica, BNF)

Après 1789, les guinguettes y prospèrent exonérées de taxes. La Courtille est un quartier de divertissements. Guinguettes et cabarets y servent le vin local..

La barrière de La Courtille, par Puvis de Chavannes (Gallica, BnF)

A Paris, la descente de La Courtille est un épisode du Carnaval au XIXe siècle.

Située à l’extrémité du faubourg du Temple, on gagne La Courtille par le boulevard en traversant le canal, une longue rue va de la barrière jusqu’au parc Saint-Fargeau, presque sur la crête du Pré-Saint-Gervais. Jusqu’au quart de la colline, elle est formée de deux rangs de hautes maisons, cabarets ou les buveurs s’entassent à tous les étages, mansarde et entresol.

Bal à La Courtille, par Engelmann (NYPL)

C’est de la barrière de La Courtille (Belleville) que s’effectuait la fameuse descente qui clôturait le carnaval. Véritables Saturnales ou Bacchanales1 (suivant le journaliste) durant lesquelles on se mêlait dans une grande griserie. Le mercredi des cendres, de 5 heure du matin jusqu’à 9h, la descente de la Courtille réunissait les masques des différents bals de Paris, des voitures, des personnages ivres aux vêtements souillés.

Article de revue, à propos du carnaval et de la descente de La Courtille (NYPL)

Rappel : L’église autorisait une période d’Extravagance pour remplacer les fêtes païennes. Elle avait créé la fête des Fous, dès le Moyen-Âge. Elle précédait la période d’austérité du Carême, 47 jours avant Pâques (premier dimanche après la pleine lune).

Le mardi gras a donc une date variable, entre le 3 février et le 9 mars, dernier jour sans privation, avant le jeûne rituel qui commence le mercredi des cendres.

La période « de gras » pouvait démarrer dès le dimanche, pour trois jours de fêtes débridées.

Les protestations de la religion s’élevaient régulièrement devant la cacophonie diabolique, cohue arlequine débauchée, déguenillée, sale, avinée après une orgie de vin médiocre.

La descente vue par Daumier en 1855 (Gallica, BnF)

Le quartier devait faire face à une foule en délire les yeux clignant au soleil, cheminant en hurlant, chantant, glissant dans le ruisseau et la boue, s’invectivant et parfois en venant aux mains.

La Descente passant la barrière (Gallica, BnF)

En janvier 1860, l’extension de Paris qui engloba La Courtille et Belleville porta un coup fatal aux établissements festifs de La Courtille ainsi qu’aux guinguettes des autres barrières de Paris.

La descente de la Courtille cependant se perpétua, de manière plus calme, jusqu’à l’aube du XXe siècle.

Remontons le temps :

A La Courtille, face aux Porcherons, au XVIIIe siècle, le beau monde parisien amateur de distractions se rendait « Au Tambour Royal », le cabaret de Ramponneau réunissait toutes les classes de la société.

La basse Courtille, Ramponeau, le Tambour Royal, Paris 1760, publication avec autorisation de Sartine (Gallica, BnF)

A la barrière on trouvait les guinguettes, cabarets, bals publics, une ambiance bruyante, débraillée comme au Cabaret Desnoyez de 1815-1860.

Barrière de La Courtille (NYPL)

Pour les débuts de la Restauration (1814-1830), le carnaval et le bœuf-gras forment des cortèges jugés tristes, avec de sages grecques et des Minerves, des cupidon vieux et tristes.

revue Grandgousier, la descente de La Courtille (Gallica, BnF)

En février 1822, à la Courtille, une période de désordre festif et canalisé se met en place pour quarante ans. Le mercredi 20 février, matin des cendres, la parade de la Descente est menée par une troupe de cirque qui réunit et conduit tous les fêtards sortant des établissements des barrières et ceux venus des bals parisiens qui ont fermé. Cette foule en mouvement est considérée comme la première Descente de la Courtille.

La Descente de La Courtille vue par Gustave Doré, 1860 (Gallica, BnF)

Charles X a succédé à Louis XVIII en 1824, Louis-Philippe après les journées de juillet 1830 prend le pouvoir, les fêtes sont de retour. Chaque année, la descente de La Courtille va se composer des piétons qui montent la rue du faubourg-du-Temple pour jouir du spectacle dont eux seuls sont les acteurs.

Rue du Faubourg du Temple
La Descente de La Courtille, 2e tableau, au Théâtre des Variétés, 1841, publié dans le Monde diplomatique (Gallica, BnF)

20 janvier 1841, au Théâtre des Variétés, Théophile Marion Dumersan et Charles Désiré Dupeuty ont monté un vaudeville-ballet-pantomime, La Descente de la Courtille.

Il est accompagné d’une composition musicale de Wagner, alors à Paris, « Descendons gaiement la Courtille ». L’œuvre chorale est jugée complexe à chanter.

Seule la musique sera jouée pour la pantomime finale.

Sous le second Empire, il a été dit que la Descente de la Courtille clôturant le carnaval avait été inventée par la police impériale pour occuper les badauds de tous les régimes.

La Descente de La Courtille, scène de la comédie :  » Sans queue ni tête  » de Coignard et Clairville, 1859 au Théâtre des Variétés, dessin de Jules Worms publié dans l’Illustration de janvier 1860

Documentation : Les Nautes de Paris ; Gallica, BnF, bibliothèque numérique et NYPL, Digital Collections

1 –Les Bacchanales en Grèce se célébraient en l’honneur de Bacchus, pour la première pleine lune de janvier, le premier jour de mars et les 16 et 17 mars ; moments sans règles : excès de vin, ivresse, mélange des sexes et des classes sociales, perte de contrôle, culte de l’excès.
Les Saturnales romaines se déroulaient au solstice d’hiver en décembre. Elles menaient les passions à leur paroxysme afin de voir si la surexcitation du mal n’avait pas le pouvoir de donner aux hommes l’idée du bien dans la violente secousse d’un contraste. Les maîtres servaient leurs esclaves à table. Un esclave était élu et recevait le titre de roi des saturnales.

A suivre le parcours de la descente de la Courtille de nos jours

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