Avril 2017.
En 2006 voici onze ans, le fondateur des Rencontres d’Arles qui venait d’être élu académicien Lucien Clergue nous recevait en Arles pour nous montrer une sélection de ses tirages photographiques. (photo ci-dessus © Académie des beaux-arts / B. Eymann).
Nous le retrouvions, en 2008, à Millas où il nous transmettait son inquiétude concernant la conservation de la photo numérique, lui qui était resté fidèle à l’argentique (à écouter un court extrait audio de notre rencontre en fin d’article).
Dès 1961 revenu de son exposition au Museum of Modern Art de New York, où il avait été invité par Edward Steichen en charge du département de photographie, il avait convaincu Jean-Maurice Rouquette conservateur du Musée Réattu (Arles) d’ouvrir un département de photographie dans son musée. Il avait alors mobilisé ses amis et le département avait été inauguré en 1965.
Cette première en France, faisait d’Arles une capitale de la photo en devenir.
Les Rencontres seront initiées par Lucien Clergue avec Jean-Maurice Rouquette et l’écrivain Michel Tournier en 1969. En 1970, la photographie était ainsi au programme du festival d’Arles.
Nous voulons, aujourd’hui, partager avec vous la présentation privilégiée qu’il avait faite pour nous lors des Rencontres internationales de photographie d’Arles en 2006.
Revenons à la présentation.
Lucien Clergue a mis ses gants blancs, suivant le cérémonial d’une telle présentation.
Il a ensuite ouvert lentement une grande boîte.
De ses grands yeux bleus, il nous a regardé d’un œil amusé.
Il a sorti la première photo.
Nous embarquions alors pour un voyage initiatique.
Né en Arles en août 1934, il est un amoureux inconditionnel de sa terre arlésienne, de la mer, des dunes, des corps nus sur le sable, des gitans, des taureaux, du Marais Camarguais.
Son œuvre célèbre les gitans, la tauromachie, la mer, le soleil, la lumière qui joue sur les corps, sur les visages.
Nous avons savouré, dégusté ces moments privilégiés.
Brièvement, il nous a rappelé qu’il était devenu photographe indépendant soutenu par ses amis.
Pablo Picasso, il l’avait rencontré dès 1953 aux arènes d’Arles et ils demeureront très proche jusqu’au décès du peintre en 1973.
Jean Cocteau, la rencontre s’était faite à Paris, en 1956. En 1959, il sera sur le tournage du film le Testament d’Orphée. Cocteau lui présentera Max Ernst.
En 1957, il avait publié son premier ouvrage : « Corps mémorable », 12 nus, une couverture de Pablo Picasso, quatorze poèmes de Paul Eluard, un poème de Jean Cocteau chez l’éditeur Pierre Seghers.
Les photos se succèdent.
Il évoque ravi sa soutenance de thèse en 1979 sur « le langage des sables » : « Je leur ai montré des photos de sable, de mer, sans texte, sans commentaire … Ça ne c’était jamais fait auparavant. » Une thèse sur la photo rien qu’avec des photos, c’était inédit.
Il était donc docteur es lettres option photographie de l’université de Provence, il pouvait enseigner. Un livre sera publié, l’année suivante, préfacé par Roland Barthes membre du jury. Roland Barthes comparait ces photos aux Haiküs de la poésie japonaise.
Le photographe ne s’était pas converti au numérique, mais, il avait entrepris des surimpressions de tauromachie ou de nus avec des fragments de tableaux du XIVe au XVIIIe siècle photographiés dans des musées.
Elu le 31 mai 2006 avec Yann Arthus-Bertrand au sein de l’Académie des beaux-arts section photographie, la cérémonie d’installation s’est déroulée le 10 octobre 2007. Lucien Clergue a été le premier à occuper un fauteuil de photographe, dans la huitième section de la compagnie créée par décret le 10 mai 2005.
Dans son discours, il a donc parlé de photographie et de photographes retraçant 168 ans d’inventions photographiques prédisant même : « après avoir placé dans notre corps je ne sais quelle puce électronique un seul clignement d’yeux et la photo sera prise ! Chers confrères de l’Académie des Sciences tenez-vous prêts ! » Il a évoqué les grands inventeurs, souligné notamment la relation entre les peintres, les sculpteurs et la photo, la musique et la photo, lui l’ami de Manitas de Plata, lui le photographe qui a joué du violon sous la Coupole.
Son épée d’académicien a été créée par Christian Lacroix, elle évoque trois thèmes qui lui sont chers, le violon, la tauromachie, la photographie. Sur sa lame forgée et gravée à Tolède par Bermejo fabricant d’épées de toreros est inscrite une maxime inspirée de Joseph Delteil : « Aujourd’hui l’œil est le prince du monde ».
Pour clôturer son discours d’installation au fauteuil n°1, il évoquera Saint-John Perse qu’il a rencontré dès 1965, il terminera par ces mots : « Pardonnez-moi chers confrères de vouloir pousser ses illustres colonnes, faire ouvrir bien grande cette porte face au Pont des Arts, le bien nommé, car nous serons nombreux je l’espère, à entrer sous cette coupole et nous vous remercions de nous y accueillir. »
En 2013, il sera président de l’Académie des beaux-arts.
Son discours, est consultable sur le site : académie-des-beaux-arts/membres/
Il nous a quitté le 15 novembre 2014, à l’heure où se déroulait à Paris le salon de la photo « Photofever » au Carrousel du Louvre.
Trois photographes ont été élus en 2016, Sebastiao Salgado, Bruno Barbey et Jean Gaumy. Le fauteuil n°1 est désormais occupé par le Brésilien Sebastiao Salgado.
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