Paris a abrité de nombreuses prisons avant que celles-ci ne soient repoussées au-delà des limites de la capitale. Nous avons ainsi choisi de vous présenter quelques unes de ces prisons disparues.
Voici pour commencer Mazas. Bâtie au milieu du XIXe siècle, elle a été considérée comme la plus moderne car elle évitait la promiscuité, puis rapidement comme la plus inhumaine à cause de cet isolement total. Les prisonniers sont seuls dans leurs cellules de jour comme de nuit. Ainsi, elle a reçu le surnom de l’Hôtel des 1200 couverts! Les prisonniers entre eux parlent de Taze.
Où était Mazas ? La prison faisait face à l’embarcadère ferroviaire qui allait devenir en 1900 la gare de Lyon telle que nous la connaissons. Alors, afin de rendre la perspective plus attractive pour les visiteurs de l’exposition universelle de 1900, des immeubles ont été construits, là où s’étendait sur 32 000m2 la maison d’arrêt cellulaire.
La prison de Mazas construite à partir de 1845 par les architectes Jean-François Joseph Lecointe et Emile Gilbert a, donc été inaugurée le 19 mai 1850. Elle accueille à son ouverture 841 prisonniers venant de la prison de la Force dans le Marais démolie pour insalubrité et vétusté. Paris se transforme. Un vent d’humanité semble vouloir souffler sur ces lieux d’emprisonnement. On dit même que la nuit les 70 gardiens, d’anciens militaires, s’y déplacent en chaussons pour ne pas réveiller leurs pensionnaires (cf Maxime Du Camp : Paris dans ses organes, 1875). Cependant Jules Vallès emprisonné pour la tentative d’assassinat de l’empereur, le complot de l’hippodrome et de l’Opéra comique, du 16 juillet au 30 août 1853 (cf Le tableau de Paris) souligne : « Le système nouveau met l’homme et son âme à nu. La clarté que lui ont envoyé par les lucarnes, les humanitaires, devient l’ennemie de sa dignité et la complicité des mouchards. » Les murs laissent passer le bruit, alors le silence est de rigueur. Les prisonniers échangent en argot.
Plus de cachot sans air et sans lumière
Plus de culs de basses fosses où les prisonniers marinent dans de l’eau nauséabonde. Voici la première maison d’arrêt cellulaire française ressemblant par sa forme à un éventail selon Victor Hugo. Le modèle cellulaire nous vient de Philadelphie. Six galeries (12,50 x3,50m) convergent vers un minaret central où se trouvent les gardiens. Le bâtiment central de 45 mètres de haut est sous une rotonde vitrée.
De jour comme de nuit le pensionnaire est isolé, sans contact avec les autres prévenus. Il prend ses repas dans sa cellule. Il y est occupé à des travaux pour des sociétés qui ainsi participent au financement de la prison (travaux d’écriture, papeterie, plumes, trie de grains et légumes secs, cartes de boutons, d’agrafes). Les condamnés décortiquent le Corozo, ivoire végétal utilisé dans la marqueterie.
Ses célèbres prisonniers
Mazas le 9 octobre 1869, le photographe Jules Verrier réalise le premier portrait d’un criminel. L’homme défraie la chronique, il a commis l’abominable crime dit de Pantin (une mère et ses 6 enfants, ont été tués et enterrés) : Jean-Baptiste Troppmann. (Les grands procès de l’Histoire, Emmanuel Pierrat)
L’identité judiciaire balbutie du côté de la photographie et ce cliché est considéré comme le tout premier. Bientôt tous les prévenus seront photographiés. Le prévenu occupe, la cellule 4-6 dans la division 6 ; une des cellules doubles réservées aux criminels, aux dangereux et aux attentats à la pudeur. Un gardien est placé avec le prévenu pour éviter tout suicide. La cellule reste éclairée en permanence.
La prison va recevoir des délinquants en « préventive » (en argot des prisons : prévente) en attente de jugement, des condamnés à de courtes peines, mais aussi des « délits d’opinion », des « complots contre la sureté de l’Etat » qui seront au secret. Ainsi, dans la nuit du 1er au 2 décembre 1851, 220 députés susceptibles de s’opposer au coup d’état de Louis-Napoléon Bonaparte seront conduit à Vincennes ou emprisonnés « A Mazas, un greffier les enregistra, les mesura, les toisa et les écroua comme des forçats. » (Victor Hugo : Histoire d’un crime, 1877)
1862, Clémenceau y fera 73 jours pour avoir dans son hebdomadaire « Le travail » lancé un appel à manifester place de la Bastille pour la commémoration de la Révolution du 24 février 1848.
1870, à la veille du plébiscite du 8 mai 1870, 38 militants de l’Internationale sont enfermés. Fin août, Arthur Rimbaud venu à Paris voyage avec un billet non valide et sans argent. Il est arrêté à son arrivée gare du Nord et conduit à Mazas d’où l’en sortira quelques jours plus tard Georges Izambard. 1871, Pendant la Commune de Paris, les fédérés s’y réfugient, le serrurier Maurice Garreau en devient le directeur. Les fédérés y emprisonnent des religieux notamment Mgr Darboy archevêque de Paris qu’ils voudront échanger sans succès contre Blanqui emprisonné en Bretagne. Le 22 mai, 50 otages seront transférés à La Roquette et le 24 mai l’archevêque et d’autres religieux y seront fusillés. Le journaliste Henri Rochefort sera arrêté après la Commune.
1894, Le procès des trente, dit des lois scélérates de 1893 et 1894 promulguées pour lutter contre les Anarchistes, débute le 6 août (le 11 mars 1892, l’attentat de Ravachol ; le 9 décembre 1993, attentat d’Auguste Vaillant à l’Assemblée nationale ; le 24 juin 1894 assassinat du président Sadi Carnot) sur les bancs des accusés 26 inculpés dont Félix Fénéon ami de Zo d’Axa défendu par Edgar Demange qui bientôt défendra Dreyfus. Ils sont accusés « d’association de malfaiteurs ». Son ami Maximilien Luce collaborateur du « Père peinard », journal anarchiste interdit en juillet 1894, a été arrêté le 6 juillet et ne sera pas jugé avec eux. Il sera relâché le 17 août.
1898, les prisonniers sont transférés dans la nouvelle prison de Fresnes. La destruction est programmée.
documentation : Les Nautes de Paris
à suivre la vidéo : Prisons disparues, première chronique : Mazas
prochaine chronique : la prison de La Force
Pingback: La Commune se raconte au musée d’art et d’histoire de Saint-Denis | Nautes de Paris
Pingback: Les Madelonnettes, un couvent devenu prison de 1793 à 1867 | Nautes de Paris