Après avoir évoqué son Paris, l’enfance, les femmes (1ère partie), puis Le Jazz, Saint-Michel/Saint-Germain et la Chanson (2e partie) voici le temps du Balajo et de l’argot.
Le Balajo
J’ai découvert le Balajo (ci-dessus), en 1979, pour un projet de livre sur Robert Lageat, ancien catcheur, promoteur de catch et patron de l’établissement. Il m’a confié un cahier, j’ai écrit quelques lignes et l’affaire était conclue avec l’éditeur. Le musette, Lageat n’y connaissait rien, c’était un homme de catch, il avait organisé des rencontres, c’était le père deJacky Corn, le catcheur. Il avait dansé rue des Gravilliers et à Charenton. Nous avons fait le tour des bistros, chacun racontait son histoire. Ce fut pour moi de véritables travaux pratiques, je découvrais ce monde et leur façon de parler. Quant à l’histoire de la rue de Lappe, Lageat ne la connaissait pas bien, il a demandé à Jo Privat de l’aider pour me la raconter. Jo Privat qui était la vedette du musette était un argotier prolixe. Quant à Daniel Schmid le videur, un rémois, il avait toujours des histoires à raconter. Jo, je ne l’ai rencontré, qu’en 1981, lors de l’émission de télévision qui a suivi la sortie du livre sur la Bastoche. J’ai alors proposé à Jo Privat d’écrire ses mémoires. Mais, faute d’éditeur nous n’avons pas pu le faire à ce moment là. Le livre a pu enfin être édité en 2013 et m’a valu eu le premier prix du Balajo.
L’argot de Paris
J’ai rencontré l’historien Louis Chevalier, il avait plus de 60 ans, je l’ai fréquenté pendant 25 ans. Il avait
été camarade de Khâgne de Pompidou. Il avait une culture phénoménale. Il a beaucoup parlé des évolutions de Paris. Devant lesquelles, on ne peut rien faire. J’ai tenu une chronique régulière pour le Figaro, la Chronique du Titi qui a mis en évidence qu’il fallait que j’utilise un style imagé pour parler de Paris
On nous parle sans cesse d’Haussmann. Haussmann, c’est vieux. Il a fait des boulevards, cassé des quartiers mais comme dit Louis Chevalier, « il n’avait pas chassé les petits gens, la répartition sociale n’avait pas été touchée ». Au centre de Paris, il y avait pleins de gens miséreux, de petits gens. La répartition sociale s’est faite récemment. Rien n’avait été chamboulé à l’époque d’Haussmann comme ça l’a été avec la transformation des Halles puis de La Bastille, sous la cinquième république. Pour la première fois dans l’histoire de Paris, Il n’y a plus de populaire parisien, plus de peuple. Or, c’est le peuple qui donnait à Paris sa force, sa substance, son langage, même avant l’argot, avec ses patois selon ses apports, ses origines diverses, Normands, Auvergnats à la Bastoche, Bourguignons quai de la Râpé… Après Napoléon, avec la Restauration on a commencé à parler l’argot. Aujourd’hui, on nous dit que l’argot se parle encore dans la banlieue… Il y a eu une drôle de cassure, car ce langage n’a plus rien à voir. Il a des allures de pidgin. Le peuple parisien n’était pas un puriste de la langue française… Mais, c’est certain Robert Lageat, le propriétaire du Balajo, rue de Lappe, qui était un argotier fabuleux, parlait un bon français. J’observe qu’à la télévision on n’emploie de moins en moins le conditionnel, on lui préfère le futur. Il y a encore des puristes. Claude Hagège, Alain Rey … Alphonse Boudard m’avait introduit auprès de Gen Paul, à Montmartre. Il avait un accent et des expressions ! Plus personne ne parle l’argot… Lors d’une émission de Pivot, à la télévision, j’ai entendu un Monsieur de Brissac qui parlait une langue très classieuse, elle aussi disparue…
Ma nostalgie
Je ne suis que nostalgie. Ceux qui restent de cette époque forcent souvent la note alors qu’au Balajo les gens étaient nature ça a continué jusqu’en 2005. Lageat est mort en 1998, Jo Privat en 1996, mais il y avait toujours Schmid l’ancien videur devenu le patron. J’ai aussi connu François Marcantoni que j’avais rencontré lors d’une émission à la télévision. Il avait alors 82 ans….
Je ne suis pas beaucoup pour les objets, l’architecture…
Je n’aime que Paris, mais Paris me dégoute. Ce Paris on l’aime tellement…
Ce qui me fait deuil, c’est la substance intime qui a fait le Paris qui a disparu. Je suis d’origine modeste. J’ai été fils unique, pas choyé mais ultra protégé. J’ai fréquenté un univers mâtiné voyou. J’aime la rue, son ambiance, les gens qu’on y croise.
Photos : Dominique Germond
à voir également :
1ère partie : Son Paris – L’enfance – Les femmes et une vidéo
2e partie : Le Jazz – Saint-Michel/Saint-Germain – La chanson