Musées

Les Archives nationales racontent l’histoire du textile « Made in France », depuis Colbert

Les trois commissaires scientifiques de gauche à droite : Anne Sophie Lienhard conservatrice du patrimoine, Archives nationales ; Esclarmonde Monteil, conservatrice en chef du patrimoine, service des musées de France, ministère de la culture ; et Alexia Raimondo chargée d’études documentaires, Archives nationales.
Le commissaire technique d’expositions Jérôme Séjourné a restitué l’idée d’un intérieur d’entreprise avec ses structures en bois, comme ci-dessous.

Le Musée des Archives nationales (Hôtel de Soubise, rue des Francs-Bourgeois, Paris 3e), a sorti de ses réserves et pour la première fois une sélection d’échantillons de tissus du plus humble et populaire au plus sophistiqué et luxueux.

A découvrir du 16 octobre 2024 au 27 janvier 2025, accès libre et gratuit.

Du XVIIe siècle à nos jours, ces précieux échantillons n’avaient pas revu la lumière, depuis leur dépôt. Ils ont gardé leur fraîcheur.

L’éclairage est donc faible, 50 lux, afin de protéger les couleurs restées intactes.

Les commissaires ont fait appel à de nombreux prêteurs, archives départementales, bibliothèques, musées, manufactures… afin d’accompagner les registres et catalogue d’échantillons.

Une scénographie qui restitue l’ambiance des ateliers.

En toile de fond, reproduction de : L’Atelier d’impression Wetter, huile sur toile de Gabriel Maria Rossetti 1764 (Orange, musée d’art et d’histoire)

Registre de rapport de 1785, l’encre ne s’est pas effacée et les échantillons en couleur ont conservé leur éclat.
Au-dessus de l’escalier de l’Hôtel de Soubise, des échantillons de toiles égrènent les périodes, XVIIe, XVIIIe, XIXe, XXe et XXIe siècles, sortis des ateliers de la Maison Pierre Frey partenaire de l’exposition.

Le parcours proposé raconte et explique l’influence et le rôle de l’État sur la production de textiles « Made in France », depuis Jean-Baptiste Colbert ministre de Louis XIV.

Du XVIIe siècle jusqu’aux plans gouvernementaux des IV et Ve Républiques.

Gilet en pièces, avec les plombs de la douane royale et sans doute de la Fabrique de Lyon ou d’un fabricant lyonnais, vers 1745-1750 Soierie façonnée bleue, plomb (Palais Galliera – musée de la Mode de la Ville de Paris)

Le rôle de l’État : connaître, encourager-soutenir, contrôler la production

Le textile était au XVIIe siècle la première industrie de France mais les corporations et les particularismes régionaux n’offraient pas une vue homogène de la production pour une qualité constante. Ministre de Louis XIV, Colbert va y remédier.

Des plombs vont être mis sur les coupons afin d’attester qu’ils obéissent aux règles édictées. La qualité de certaines étoffes étant reconnue, il pourra par la suite être mis un plomb Libre.
Les plombs de la compagnie des Indes de 1686 à 1715 (à droite). Marques d’indiennes jugées suspectes par un inspecteur, en 1786 (à gauche).

Colbert fait publier des statuts et règlements pour les teintures… ainsi que « Pour les longueurs, largeurs, qualité des draps, serges, et autres étoffes de laine et de fil qui seront manufacturées dans le Royaume …  » en 1669. Les manufactures royales sont encouragées.

La manufacture des Gobelin, dès sa création en 1662, est une entreprise d’État. Colbert y réunit les ateliers de tapisserie de Paris, installés sur la rivière de la Bièvre.

Des règlements étant édictés, des contrôles vont se faire dans toute la France. Des inspecteurs vont veiller à l’application des règlements généraux et particuliers des manufactures.

Dessin aquarellé d’un nouveau tour à tirer la soie par Bruté père et fils.

Les inspecteurs qui vérifient machines et productions vont eux aussi être tentés par l’aventure des textiles. Bruté père et fils spécialistes de la soie ont présenté le projet de machine, ci-dessus en 1779.

Le port de Marseille connait une importante activité textile au XVIIe siècle.

Marseille connait avec les textiles un fort développement au cours du dernier tiers du XVIIe siècle. On y travaille le coton, la laine, la soie, une très grande majorité de la production est destinée à l’exportation. le Port joue un rôle clé en matière d’importation de matières premières ultra-marines, de transformation et finition de ces produits, avant réexportation à l’étranger par voie maritime. Les incitations pour l’installation d’étrangers porteurs de capitaux ou de savoir-faire à Marseille sont encouragées. Ce dernier point faisait l’objet d’un article de l’édit d’affranchissement du port de 1669.

La course à la qualité était mise en place et va se poursuivre d’un siècle à l’autre.

Au XVIIe siècle en 1686, devant la concurrence de la compagnie des Indes orientales, les cotons imprimés dit des indiennes étaient interdits.

Extrait de la toile de Jouy racontant les processus de la production d’indienne d’après J.-B. Huet après 1783

L’interdiction est levée en 1759. Le graveur et coloriste venu du Wurttemberg Christophe-Philippe Oberkampf va créer sa manufacture dans la vallée de la Bièvre qui deviendra la manufacture royale de Jouy-en-Josas, en 1783.

Casaque moirée (1750) dans la collection du peintre Gustave Jacquet (1846-1909) qui l’utilisait pour habiller ses modèles.

Les succès français viennent parfois de techniques étrangères repérées, collectées qui vont être expérimentées avec des succès variés. La soie moirée, technique que les Français n’arrivent pas à produire est apportée d’Angleterre par John Holker qui deviendra en 1755 inspecteur général des manufactures. Sa manufacture à Rouen proposera : tissage, calandrage, filature, teintureries et une industrie chimique nouvelle avec les chambres de plomb anglaises pour produire de l’acide sulfurique.

A la Révolution la libre concurrence devient possible.

Les corporations sont supprimées ainsi que la réglementation manufacturière dès 1791. Mais il faut payer une patente pour s’installer.

Fragment de tenture pour le grand salon de l’appartement de l’impératrice à Versailles, par Bissardon, Cousin et Bony, Lyon, commandé en 1811 et livré en 1813 Satin de soie blanc broché de soies polychromes (Mobilier national)

Dès 1794, une liste des établissements va être demandé aux administrateurs des districts, sans grand succès.

Le Conservatoire national des arts et métiers est créé.

Il va devenir le dépôt des inventions avec un atelier de mécanique, un bureau des dessinateurs et une bibliothèque. Il ouvre en 1802.

Les chambres de commerce sont créées.

Napoléon devenu empereur commandera de grandes quantités de soieries lyonnaises d’ameublement 80 kilomètres de soieries livrées entre 1811 et 1813 resteront inutilisées avec la chute de l’Empire.

Joseph Marie Jacquard invente, dès 1801, un métier à tisser qui utilise un système mécanique avec des cartes perforées qui écrivent le motif à tisser brocard, damas, matelassé.

Modèle de métier chinois à tordre la soie, vers 1840-1850 Bois, alliage ferreux, fibre (Prêt du musée des Arts et Métiers – Cam – Paris)

On prospecte toujours à l’étranger à la recherche de nouvelles techniques, nouveaux imprimés pour asseoir notre commerce textile :

Échantillons de tissus commercialisés sur le marché de Batavia en 1845

Au XIXe siècle les industriels jouent aux apprentis sorciers

Dans les manufactures l’emploi des enfants et les conditions de travail vont être étudiés et réglementés.

Robe au coloris vert arsenic

Pour promouvoir le savoir-faire des artisans et industriels, des expositions nationales vont être organisées, le temps des médailles s’installe.

Les expositions universelles permettront aux Français de montrer et affirmer leur savoir-faire sur la scène internationale.

La première exposition universelle se déroule à Londres.

Paris accueillera celles de 1856, 1867, 1878, 1889 et 1900 avec les premiers Jeux Olympiques.

Cependant, « Le siècle joue à l’apprenti sorcier » soulignent les commissaires. Dans le textile, les colorants sont au cœur des préoccupations.

Les colorants synthétiques génèrent notamment un vert arsenic très populaire qui se retrouve dans les vêtements, l’ameublement, les fleurs artificielles.

La Maison Julien Faure crée des rubans haute-couture, depuis 1864. Elle utilise des métiers navettes avec mécanique Jacquard. Elle a préparé cette installation spécialement pour l’exposition.

La recherche de nouveau textile a passionné les chercheurs dans les dernières années du XIXe siècle.

L’invention de trois soies artificielles, la rayonne brevet de 1884 du Français Hilaire de Chardonnet, celle fabriquée au cuivre, « cupro-textile » brevet de Bemberg en 1897, et la viscose d’industriels Anglais finira par l’emporter et s’imposer dans les année 1920.

La dénomination soie artificielle sera interdite par la loi du 8 juillet 1934.

Grâce à l’élasticité du fil de Nylon, le bas Callipyge (1958) est tissé sans couture sur le métier circulaire utilisé pour la chaussette.
Robe de jour griffe « Au Printemps », vers 1953. (Palais Galliera, musée de la Mode de la Ville de Paris)

Le Nylon est élaboré en 1935 aux États-Unis par DuPont de Nemours et les bas sont mis sur le marché en 1939. Durant la guerre, ce nouveau textile sera utilisé pour les parachutes. Vendus au marché noir, les Françaises préfèreront le « Nylon », car plus solide, aux bas en rayonne viscose, acétate ou soie.

Les textiles artificiels et synthétiques progressent mais ont mauvaise réputation.

Nylon, Tergal, Rhovyl sont créés à partir de dérivés d’hydrocarbures.

Ils sèchent vite et n’ont pas besoin d’être repassés, mais s’enflamment.

L’étiquetage se met en place. Il faut informer le public et surtout la consommatrice.

Le label de qualité Flésa est utilisé, de 1950 à 1955, pour les tissus.

La robe du grand magasin « Au Printemps » qui est présentée ici est en fibrane procédé viscose. Elle est imprimée de taches vertes sur un fond bleu, avec une ceinture noire en plastique.

Elle porte le label Flésa. Ce qui indique qu’elle ne peut être lavée qu’à l’eau tiède et au savon mais sans frotter, comme le précise un poisson sur l’étiquette ou sur la lisière du tissu.

Les pictogramme d’entretien seront imposés à partir du 25 octobre 1963.

Les pictogrammes d’entretien sont obligatoires à partir d’octobre 1963.

Les questions environnementales au XXIe siècle

Nouvelles dispositions avec le projet « Ecobalyse »

Depuis avril 2024 l’affichage environnemental permet de sensibiliser l’acheteur sur l’impact environnemental du vêtement qu’il achète mais il veut aussi mobiliser l’industrie pour une production écoresponsable.

Documentation : Made in France, une histoire du textile (édition Michel Lafon, 2024), 176 pages au format 22cmx27cm, Prix : 30 euros

Précisions : Esclarmonde Monteil a été Conservatrice du Musée de la Toile de Jouy puis Directrice générale et scientifique du Musée des tissus à Lyon.

La Maison Pierre Frey, Entreprise du Patrimoine Vivant a vu le jour en 1935. Elle est membre du Comité Colbert depuis 1976. Elle crée, édite et fabrique étoffes, papiers peints et accessoires de décoration, tapis sur mesure, mobilier. Elle a repris plusieurs sociétés françaises patrimoniales : Braquenié (créé en 1823), Le Manach (créé en 1829), les tissages Denimal (créé en 1938) et Boussac (repris en 2004), ainsi que l’anglaise Thorp of London, l’italienne Fadini-Borghi.

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