Chansons de Montmartre

Le Chat Noir, le cabaret créé par Rodolphe Salis boulevard Rochechouart, en 1881

Rodolphe Salis né à Châtellerault en 1851

Attention, les Chats Noirs se sont multipliés depuis le XIXe siècle, mais il ne s’agit pas de la progéniture du tout premier.

Le seul vrai Chat Noir, créé en 1881 à Paris par Rodolphe Salis, l’a été au 84 boulevard Rochechouart, sur la photo ci-dessus, et non pas
68 boulevard de Clichy.

Sa seconde et dernière adresse sera 12 rue Victor Massé.

« Je cherche fortune/ Autour du Chat Noir… », cette ballade de 1884 a fait la popularité mondiale du cabaret du Chat Noir à Montmartre.

Une chanson créée par Aristide Bruant …  pour l’établissement de Salis.

Dessin de Salis tenant par la patte le chat de la mère Michel, paru dans le premier numéro du Chat Noir, le 14 janvier 1882

Voici en bref l’aventure du cabaret Montmartrois connu dans le monde entier

En novembre 1881 Rodolphe Salis le peintre à la barbe rousse ouvre un cabaret artistique, 84 boulevard Rochechouart, Paris 9e.

Il y donne la parole aux poètes et aux chansonniers.

Il a choisi de verser à boire à tous ceux qui veulent gagner artistiquement leur bock de bière.

Un ancien bureau des Postes, tout en longueur et étroit, redécoré qui n’accueille ni anarchiste ni révolutionnaire, mais des amateurs de facéties ouverts à toutes les chimères.

Il va servir de tremplin à de nombreux artistes. Sa première enseigne en tôle sera dessinée par Willette, un chat sur un clair de Lune ; tout un symbole.

 Parallèlement, le cabaret va avoir son propre journal hebdomadaire « fumiste et irrévérencieux », organe des intérêts de Montmartre (1882 à 1895, 1ère série, seconde série jusqu’en septembre 1897). Le premier numéro sort le 14 janvier 1982 avec le dessin de la semaine signé par Salis qui proclame « Allez, la mère Michel, votre chat n’sera pas perdu ». A noter dans ce numéro une autopromotion, une petite annonce qui annonce le style de l’établissement : « Le Chat Noir Cabaret Louis XIII fondé en 1114 par un fumiste… ». Le rédacteur en chef est Émile Goudeau le créateur des Hydropathes, devenus les Hirsutes qui s’ancrent au Chat Noir avec notamment Charles Cros poète et inventeur qui séduit l’auditoire avec ses calembours.

Au Musée de Montmartre, le piano, les décors des deux établissements de Salis, et le chat noir, sans doute celui de la mère Michel venu poser pour la photo, sont toujours là.

L’accueil n’est pas agressif.

Salis tient des discours de camelot pour vanter le talent de ses artistes qui passent plusieurs fois par soirée et qu’il ne rémunère pas.

Du premier au second Chat Noir le ton reste convivial.

Totalement libre, sans contrainte car il connaît le chef de la police municipale. Il n’a pas eu à demander d’autorisation pour installer un piano.

Les rapports du père la pudeur qui surveille, saynètes, tenues et propos n’aboutiront jamais. Les chansonniers qui passent chez lui n’ont pas à soumettre leur texte à la censure. 

En 1884, il annexe pour s’agrandir une boutique mitoyenne pour laquelle Adolphe Willette va peindre la toile « Parce Domine ! Populo tuo », symbole de la jeune bohème montmartroise.

Le Mirliton va succéder, sur le boulevard, au Chat Noir qui déménage en 1885

Portrait de Steinlen par Pieter Dupont
Le Mirliton, le journal d’Aristide Bruant (dessin de Toulouse Lautrec)

Jules Jouy présente Aristide Bruant au Chat Noir en janvier 1884.

Il va notamment chanter « Mademoiselle écoutez moi donc… » qui a été censuré à plusieurs reprises ailleurs et ne l’est plus au cabaret pour lequel il crée la célèbre « Ballade du Chat Noir ».

Il chante à plusieurs reprises, chaque soir et Salis l’autorise à vendre, de table en table ses partitions qui portent encore son adresse : 91 rue de Belleville.

En 1884, Il va chanter, entre autres : A Batignolles, La Marche des Dos, Serrez les rangs.

Comme il suit l’actualité et que la 5e pandémie de Choléra progresse, il écrit « V’la l’Choléra qu’arrive. »

Théophile Steinlen venu de Lausanne va illustrer ses chansons qui connaitront parfois plusieurs dessins. Il a rejoint lui aussi le Chat Noir en 1884.

Le Chat Noir s’installe 12 rue Laval, ancien atelier du peintre Alfred Stevens. La rue devient Victor Massé en 1887 en hommage au musicien et académicien décédé en 1884.

Salis s’est présenté aux élections en 1884 réclamant la séparation de Montmartre et Paris.

Il commence à avoir des problèmes avec les souteneurs du boulevard.

Il décide, en 1885, de déménager pour un immeuble de trois étages 12 rue Laval (devenue rue Victor Massé) qu’il réaménage et dont il fait refaire la décoration.

Bruant lui propose de régler l’affaire, de reprendre le local du boulevard Rochechouart à son compte. Il change le ton de l’accueil qui devient agressif. Il bouscule les clients. Il le rebaptiser Le Mirliton avec son propre journal pour publier les paroles de ses chansons.

Avec les chansons de Bruant, illustrées par Steinlen nous ferons le tour de Paris, déjà en 1885, c’est « La Villette ». Toulouse Lautrec lui aussi illustrera certaines de ses chansons.
Son succès allant grandissant, Bruant sera candidat à l’Académie française en 1894.

Rodolphe Salis installe le Chat Noir 12 rue Laval (auj. Victor Massé)

Photo de l’intérieur du Chat Noir, le Figaro Illustré, 1896

1885, le cortège du déménagement du Chat Noir est organisé selon le protocole de l’Élysée. Il ne passera pas inaperçu. Prévu le 29 mai, il a été reporté, cette date étant celle des funérailles de Victor Hugo. Il se fera bruyamment et en musique, de nuit le 11 juin, signalons, en tête, deux chasseurs en culottes courte, un Suisse en livrée, Salis était lui-même en tenue de préfet, ses serveurs en tenues d’Académiciens. N’a-t-on pas donné au cabaret le surnom de l’Institut et l’un des serveurs se faisait interpeller sous le nom d’un peintre membre de l’Académie des beaux-arts Bouguereau, élu en 1876.

Scènes du théâtre d’ombres d’Henri Rivière

 Rodolphe Salis disposant de plus d’espace va mettre en place, sur une idée d’Henri Rivière, le théâtre d’ombres. De nombreuses pièces commentées par Rodolphe Salis vont ainsi voir voir le jour et rencontrer un vif succès. Elles vont même faire partie des tournées.

Une des célèbres affiches de Steinlen

Le Chat Noir partira pour des représentations en province. Il ira jusqu’en Belgique.

Fin 1896, de retour de tournée, il rouvre le cabaret.

Le 12 janvier 1897 a lieu la dernière représentation dans la salle des fêtes.

Salis n’a pas renouvelé son bail. Il vend ses meubles, en déménage et détruit les boiseries. Il songeait alors à ouvrir un troisième établissement.

Il meurt le 17 mars 1897 à Châtellerault où il sera enterré. Il avait 46 ans. Tableaux, œuvres et objets seront dispersés lors de plusieurs ventes aux enchères.

Deux ans après sa mort, Henri Dreyfus dit Fursy rachète l’établissement qu’il rebaptise la boîte à Fursy.

Le Caveau du Chat Noir

De son côté, Jean Chageot va fonder le Caveau du Chat Noir, au 68 boulevard de Clichy.

Il a ainsi que l’exige la veuve de Rodolphe Salis l’obligation de mettre le mot Caveau afin qu’il n’y ait pas de confusion avec le Chat Noir créé en 1881, 84 boulevard Rochechouart.

Malheureusement le mot Caveau disparaît de l’enseigne. Ainsi de nombreuses cartes postales de la façade et de l’intérieur ne font pas partie du fonds iconographique du Cabaret originel, comme leur légende pourrait faire croire.

Une nouvelle enseigne, s’est installée au 68 boulevard de Clichy.

Source documentaire :
Le cabaret du Chat Noir à Montmartre 1881-1897, par Mariel Oberthür (2007, Slatkine, Genève). Ce livre est l’aboutissement d’un long travail de doctorat. Des recherches sur les cafés et cabarets Montmartrois et plus particulièrement ici sur le Chat Noir, auprès des descendants de Rodolphe Salis et de nombreux conservateurs de musées et bibliothèques, l’auteur ayant elle-même été conservateur au Musée de Montmartre.

Illustrations : Gallica et les Nautes de Paris

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