Après François-Bernard Mâche pour le fauteuil n°5, Gilbert Amy pour le fauteuil n°4, Laurent Petitgirard pour le fauteuil n°1 et Edith Canat de Chizy pour le fauteuil n°6, Michaël Levinas rendait hommage à ses douze confrères qui ont occupé avant lui le fauteuil n°3 de la section de composition musicale de l’Académie des beaux-arts.
Mercredi 18 mai 2022, 20 heures, Auditorium André et Liliane Bettencourt de l’Institut de France, ce concert d’un fauteuil était organisé avec le soutien de la Fondation Marc Ladreit de Lacharrière et préparé par Michaël Levinas.
Suivons le déroulement de cette soirée qui nous a fait passer, d’un compositeur à l’autre en remontant le temps au fil de l’histoire d’un fauteuil qui a largement « participé au succès de l’opéra-comique et à l’évolution des questions d’esthétique entre la France et l’Allemagne. »
Le secrétaire perpétuel de l’Académie des beaux-arts à l’origine des concerts d’un fauteuil, nous avait réservé une surprise. Au cours de la soirée, il allait inviter le pianiste virtuose Michaël Levinas à interpréter : Jeux d’eau à la villa d’Este de Franz Liszt. L’occasion d’évoquer celui qui avait été élu membre correspondant de l’Académie des beaux-arts en 1881. Cette pièce composée en 1882 est considéré comme un chef-œuvre pianistique particulièrement complexe. Un moment de pur plaisir.
« une prise de conscience de l’espace du piano… du piano espace. »
Suivons le programme :
La soirée a donc débuté sous la baguette d’Antonin Rey avec l’ouverture de Richard Cœur de Lion, d’André-Ernest-Modeste Grétry (1741- 1813) nommé en 1795. Liégeois de naissance devenu français, séduit par les opéras-bouffes italiens, il a écrit plus de 40 opéras-comiques et 15 opéras. Directeur de la musique de Marie-Antoinette, protégé de Napoléon. Son air tiré de la Caravane du Caire adapté par David Bühl, La Victoire est à nous deviendra un des chants militaires les plus populaires de la Grande Armée. Il participera au nouveau Conservatoire de musique qui s’est mis en place entre 1793 et 1795.
Le baryton Edwin Crossley Mercer, interprétait ensuite l’air d’Alexis : « Il m’eût été si doux de t’embrasser », in Le déserteur, Acte III scène 4, de Pierre-Alexandre Monsigny (1773-1817), élu en 1813. Entre la comédie et l’opéra, il est lui aussi un spécialiste de la comédie italienne, devenu un genre typiquement français, l’opéra-comique. Sur le livret que Sedaine lui soumet, il compose Le Déserteur (1769) qui sera à l’affiche de l’Opéra comique jusqu’en 1911.
Puis la soprano Marianne Croux nous a offert l’air de Laméa : « Sans détourner les yeux », in Les Bayadères, Acte II, scène 5, 1810, le chef d’œuvre de Charles-Simon Catel (1773-1830), membre de l’Académie en 1817. Compositeur et pédagogue. Avec Jean-François Gossec, il a, aussi, composé de la musique militaire pour les cérémonies de la République, notamment l’Hymne à la Victoire. Professeur d’harmonie au Conservatoire dès la création, il a écrit un Traité d’harmonie (1802) admiré par Berlioz.
Le Nocturne pour deux voix et piano dédié à Mademoiselle Mars de Ferdinando Paër (1772-1839), élu en 1831, résonnait au cœur de l’Auditorium. Né à Parme, son premier ouvrage en français est Orphée et Eurydice (1791) suivi d’un premier opéra italien, Circe (Venise 1792) puis de 23 opéras en 8 ans en Italie. A Vienne en 1798, il s’imprègne de la musique de Mozart, enseigne la musique à la future impératrice Marie-Louise d’Autriche. L’Electeur de Saxe le choisit comme maître de chapelle (1802-1806). Napoléon assiste, à Dresde, à une représentation de l’Achille qui aurait influencé Beethoven. Il composera la marche nuptiale pour le mariage de Napoléon et de Marie-Louise d’Autriche et sera son Maître de chapelle et le directeur du Théâtre-Italien.
Le concert se poursuit avec Marianne Croux qui interprète avec passion l’air de Julia« Toi que je laisse», in La Vestale, Acte III scène 5 (1807) de Gaspare Spontini (1779-1851), élu en 1839. Installé à Paris en 1803, compositeur particulier de l’impératrice Joséphine, en 1811, il épouse la fille du facteur de piano Jean-Baptiste Erard. Il sera naturalisé en 1817. Il a composé des opéras-comiques et trois tragédies lyriques considérées comme des chefs-d’œuvre. Donnée à l’Opéra en décembre 1807, La Vestale sera déclarée par l’Institut de France meilleur ouvrage lyrique de la décennie. Il est considéré comme l’initiateur du grand opéra romantique.
La voix du baryton Edwin Crossley Mercer résonne à nouveau pour deux airs d’Ambroise Thomas (1811-1896) Psyché, Acte I, n°4, air de Mercure : « Des Dieux, je suis le messager» et Le Caïd, Acte I, n°3, récit et air du tambour-major (1849). Elu à l’académie en 1851. Le compositeur prix de Rome en 1832, rencontrera Hector Berlioz à la Villa Médicis dirigée par Ingres. Jules Massenet sera son élève au Conservatoire. L’Opéra-Comique célèbrera en 1894, la 1000e de Mignon qui a été l’évènement lyrique de 1866.
Noé Nillni à la trompette et David Chevalier au piano ont interprété pour notre plus grand plaisir Velléda, Acte IV, scène I, Divertissement (1885) inspiré des Martyrs de Chateaubriand, de Charles Lenepveu (1840-1910), élu en 1896.Venu à Paris pour des études de droit, en autodidacte, il se consacre à la musique. 1er prix de composition pour une cantate qui sera jouée à Caen en 1862. Il rejoint, en 1864, la classe de composition d’Ambroise Thomas au Conservatoire de Paris. Prix de Rome en 1865, à la villa Médicis ses amis sont Théodore Dubois et Jules Massenet. Il sera professeur d’harmonie au Conservatoire.
Deuxième partie du Concert
Sylvain Devaux au hautbois et David Chevalier au piano nous ont donné une pièce pour hautbois et piano, Elégie de Charles-Marie Widor (1844-1937), Elu en 1910. Compositeur et organiste symphonique, la célébrité de sa Toccata de la Symphonie n°5 opus 42 en fait une des pièces pour grandes orgues la plus jouée encore de nos jours. Il assistera Saint-Saëns à la Madeleine à partir de 1868. En 1870, il est nommé suppléant à l’orgue d’Aristide Cavaillé-Coll de Saint-Sulpice. Il succédera à César Franck comme professeur d’orgue au Conservatoire, parmi ses élèves Arthur Honegger, Edgar Varèse, Darius Milhaud.
Sont ensuite projetés des extraits du film Le joueur d’échec de Raymond Bernard (1927), musique d’Henri Rabaud (1873-1949), élu en 1918. Grand prix de Rome en 1894. Compositeur et chef d’orchestre, en 1908 de l’Opéra et de l’Opéra-Comique et en 1918 de l’orchestre symphonique de Boston. Il succède à Gabriel Fauré à la direction du Conservatoire de Paris, de 1920 à 1941. Il s’intéressera au cinéma composant, d’abord, la partition du film muet de Raymond Bernard, Le Miracle des loups, projeté à l’Opéra, en 1924.
Nous écouterons ensuite La Symphonie d’archets de Paul Paray (1886-1979), Elu en 1950, chef d’orchestre et compositeur. En 1920, il est à la tête des Concerts Lamoureux. Prisonnier pendant la première guerre mondiale, privé d’instruments de musique, il écrira à son retour en France le Quatuor à cordes qui deviendra la Symphonie d’archets au printemps 1944, à Monaco où il a été accueilli pendant la Seconde Guerre mondiale, y recrutant des musiciens juifs. 1951-1962, il va transformer en orchestre français le Detroit Symphony Orchestra qui devient le premier orchestre français des Etats-Unis.
Pour évoquer celui qui a été son directeur au Conservatoire, et dont il se souvient avec émotion, Michaël Levinas a choisi de faire interpréter Sarabande et finale pour trompette et piano de Raymond Gallois-Montbrun (1918-1994), élu en 1980. Compositeur et violoniste, grand prix de Rome, il a été directeur du Conservatoire de Versailles, puis du Conservatoire de Paris ainsi que directeur artistique puis président du comité directeur du Concours international Marguerite Long Jacques Thibaud, ouvert aux jeunes interprètes du monde entier, piano, violon, art lyrique.
Mariane Croux bouclera ce cycle d’évocation des occupants du fauteuil numéro 3 avec Vocalise pour voix seule de Jean-Louis Florentz (1947-2004), élu en 1995. Compositeur et organiste, il a été l’Elève de Pierre Schaeffer et d’Olivier Messian, passionné comme lui par le chants des oiseaux et les sons de la nature. Il a également fait des études en sciences naturelles, arabe littéraire, linguistique et ethnomusicologie. Il a été l’ami d’Olivier Latry, organiste de Notre-Dame de Paris.
Michaël Levinas, élu en 2009 nous propose pour terminer cette soirée exceptionnelle qu’il a préparé avec passion, une création mondiale, Trio.
Interprété par le Stimmung Trio qu’il a créé en 2017 avec Christophe Giovaninetti et Raphaël Chrétien.
Le fils de la pianiste Raïssa Levinas (1905-1994) et du philosophe Emmanuel Levinas (1906-1995) est aussi membre fondateur de l’Itinéraire.
Premier pianiste interprète de sa génération après Yves Nat à avoir notamment enregistré l’intégrale des Trente-deux Sonates de Beethoven entre 1988 et 1991 chez Adès…
Ainsi s’achevait ce concert du fauteuil n°3
Prochain concert, le 12 octobre 2022. Concert du fauteuil n°7, d’Olivier Messiaen à Régis Campo et du fauteuil n° 8, de Charles Trenet à Thierry Escaich.
