Jusqu’au 6 mars, l’Académie des beaux-arts nous présente, au Pavillon Comtesse de Caen quai Conti, Itinérance, l’exposition de la 91e promotion d’artistes résidents 2020-2021, à la Casa de Velazquez à Madrid. Elle partira ensuite à Nantes. L’entrée est gratuite et libre, du mardi au dimanche de 11h à 18h.
Le secrétaire perpétuel de l’Académie des beaux-arts, Laurent Petitgirard a salué « un niveau varié… un éventail large de styles, de concepts, d’écoles… qui ne rime pas avec l’académisme tel qu’on l’imagine … En fait l’Académie des beaux-arts dans sa diversité et sa quête d’excellence se trouve très proche de cette diversité. »
Puis il a présenté la nouvelle directrice de la Casa de Velazquez « Heureux de la voir arriver et d’accueillir de nouvelles idées. »
Nommée le 1er janvier à la tête de l’établissement madrilène, Nancy Berthier vient de succéder à Michel Bertrand qui a dirigé, de 2014 à 2021, la Casa de Velazquez. Elle a ainsi souligné qu’Itinérance était un des temps forts de l’établissement, remerciant tous ceux qui y participent, contribuent à son rayonnement et relèvent chaque année le défi. « Les créations exposées ici, diverses et riches, dialoguent avec la société et reflètent les problèmes contemporains de l’art vivant. »
Elle va donc chapoter, à Madrid, les deux composantes qui font la spécificité de l’établissement, d’une part la création avec l’Académie de France à Madrid et de l’autre la recherche avec l’Ecole des hautes études hispaniques et ibériques.
Fabienne Aguado, directrice des études artistiques de l’Académie de France à Madrid a veillé sur le bon déroulement des travaux de recherche et de création des treize jeunes artistes sélectionnés et des deux artistes boursières.
Lauréate de la diputacion provincial de Zaragoza : Laia Argüelles a travaillé sur des photographies trouvées. Elle les a associées en séries thématiques. Exposées à Paris, des petites photos en noir et blanc de femmes présentées en colonne, les unes au-dessus des autres, nous donne la taille de l’artiste et la relie en quelque sorte à ces femmes.
Boursière, lauréate de l’Ayunamiento de Valencia : Silvia Lerin poursuit son travail de peinture et d’installation « Copper skin » sur les modifications du cuivre. L’oxydation donne de belles teintes d’un vert turquoise qui le font ainsi changer de peau.
Des recherches ont été conduites, locales, géographiques voire territoriales comme celles de l’auteur-réalisateur Ivan Castiñeiras qui a redessiné une « géographie intime » liée à l’environnement. Il souligne « nous nous voulons plus écologiques même si nous utilisons des techniques qui ne le sont pas. »
Callisto Mc Nulty s’est intéressée au sanatorium des Fontilles, dans la province de Valence, la dernière léproserie européenne. Une centaine d’habitants du hameau des Fontilles est installée à proximité, isolée par un mur, au seuil duquel se font les rencontres.
Julien Deprez unit gravure et peinture avec des imprimantes 3D transformées en robots à graver et peindre. Son espace d’exploration et d’inspiration s’est étendu de l’Arganda del Rey aux alentours de Leganés. En format papier 65×50 cm, une série aux teintes chaudes, issue de trois teintes, trois plaques : bleue, jaune et rouge qui offre des impressions à retrouver dans la grande salle.
Emma Dusong est sensible aux chants et aux voix humaines, collectives et plurielles. Entre chant et parole, elle s’est attachée au village de Chovar, aux voix des habitants qui en racontent le passé, le présent, le futur. Elle nous offre un jeu de cache-cache avec cette petite fille du village qui compte alors que des habitants sont interrogés les uns après les autres sur leur âge conscient de la jeunesse qui passe.
L’architecte, Alessandra Monarcha Souza e Silva Fernandes a dressé un atlas de l’eau de Madrid à Murcie accompagné de dessins, photos, maquettes prototypes. Sont réunies ici une carte, une sculpture et des photos.
L’Espagne, son histoire, sa culture
Les résidents ont puisé l’inspiration sur place, dans l’histoire de l’Espagne, les archives de la Casa, mais aussi dans l’environnement immédiat, culturel et social. Adrian Schindler s’est penché sur le passé colonial de l’Espagne, les traces laissées par le Maroc dans la société espagnol. Il les explore en fuyant les archétypes raciaux. Il confronte l’héritage du passé en organisant des rencontres. Il présente le premier chapitre de son film accompagné d’une série d’interrogations, de posters.
Le bâtiment, l’atelier lui-même devient inspirant. Rudy Ayoun présente deux grandes toiles échelle 1 des intérieurs, son atelier pendant sa résidence. Une des toiles a servi pour la communication de l’exposition. « Nous nous approprions chacun la Casa à notre façon. »
Il a renoncé à faire des portraits, afin de ne pas se retrouver emprisonné par des visages. Il peint l’absence, les lieux vides du personnage, ses traces et se concentre sur les objets, le décor.
Pour Xie Lie « L’étrange caractérise notre monde… Les ambigüités de toutes les situations rendent visible l’invisible. » L’inspiration, il la puise dans
Le dormeur du Val de Rimbaud. Ce poème le renvoie à l’humain entre le rêve, le sommeil, la mort… dans un état de l’étrange.
L’étrange c’est aussi le domaine des sorcières, de la magie, des mythes et légendes des femmes de pouvoir sorties des sentiers battus, rebelles au patriarcat. « L’Etape de la Sorcière » est le projet de Liza Ambrossio qui a réalisé un livre « Naranja de Sangre ».
Bianca Argimon a décidé de traiter de façon légère des choses graves, comme la recherche du leadership (In search of Leadership) inspirée par l’univers des Comptom Cowboys.
Clara Marciano s’inspire des Caprices de Goya pour elle aussi El sueño de la razon produce monstruos ses rêves engendrent ces séquences. A son tour, elle nous offre une vision éclatée de rapports de domination qui régissent les échanges humains, la répression, la raréfaction des ressources, les bouleversements climatiques.
Guillaume Durrieu offre de la rigueur dans son approche du signe graphique, de l’élément typographique multiplié. Là où on attendait l’union de l’encre noire et du papier blanc, on est confronté à une huile sur toile qui présente son protocole de création. Il puise son inspiration dans l’œuvre du poète Joan Brossa.
Tendez l’oreille, la compréhension de la musique écrite par Francisco Ferro passe par la perception par le cerveau de sons qui peuvent suggérer de manière auditive un espace physique, des formes, des volumes, de la profondeur à la manière des peintures de Vasarely et de Maurits Cornelis Escher fasciné par l’Alhambra de Grenade. Tendez l’oreille… Visualisez…
Il a également puisé son inspiration dans les travaux en cours de réalisation par les autres résidents.
Pour ceux qui voudront en savoir davantage, chaque artiste présente son travail à Madrid dans cette vidéo : https://vimeo.com/showcase/cvzsstudios3
