Le 29 septembre 2021, sous la Coupole de l’Institut de France, l’Académie des beaux-arts installait dans la section architecture, Bernard Desmoulin au fauteuil créé pour Yves Boiret qui l’occupa durant vingt ans.
Les Académiciens confortablement installés sous la Coupole rénovée, la séance pouvait débuter devant le public invité.
Le président Alain Charles Perrot remercia de leur présence tous les invités, et le secrétaire perpétuel Laurent Petitgirard prononça quelques mots d’accueil avant de déclarer la séance d’installation ouverte.
Le discours d’accueil au sein de la compagnie a été prononcé par l’architecte Aymeric Zublena qui a notamment réalisé avec Michel Macary le Grand Stade. Il a évoqué la profession telle que la découvre un jeune professionnel : « un univers passionnant mais rude : la confrontation avec vos confrères dans des concours cent fois recommencés, les discussions soutenues avec les maîtres d’ouvrage pour préserver l’essence de vos projets, les empoignades avec les entreprises dans le tumulte empoussiéré des chantiers. »
Le récipiendaire après des études brillantes et avant qu’il ne s’installe à son compte, avait travaillé à ses côtés, sur le projet de l’Hôpital Européen.
A travers ses réalisations, Bernard Desmoulin ne s’affirme pas comme « un bâtisseur de machine arrogante ». Il est celui qui va imposer, tout en nuance, une dimension sensible. Il est « loin de la performance » car il ne veut pas « ajouter du chaos au chaos ». Un ami Pascal Urbain confirme : « Bernard Desmoulin voudrait à toute force n’avoir qu’à restaurer les lignes et rafraîchir les couleurs d’un déjà là qui serait déjà beau »
Ayant parcouru le monde de Tokyo à Montevideo, de Johannesburg à Port au Prince, il déclare être « un amateur de lieux comme il existe des mélomanes et des cinéphiles. » Évocation de ses réalisations, la nécropole de Fréjus en 1987, des conservatoires, des musées, des extensions, des modifications, une piscine transformée en médiathèque…
Avant de passer le micro au nouvel Immortel, Aymeric Zublena s’interrogeait : « Architectes, quelles traces laissons-nous dans ce monde trop plein et ce temps qui fuit ? »
Sensible à la magie du lieu, Bernard Desmoulin, respectueux de son nouveau rôle d’héritier parmi les Immortels, nommait d’illustres prédécesseurs : Percier, Fontaine, Lefuel, Hittorf, Labrouste auxquels Paris doit tant.
Il a fait face à des monuments historiques, chacun « célébré et paré de toutes les gloires, celui qui reste dressé après les révolutions, les guerres et la tabula rasa. Celui que l’on choie ou restaure. » Comme ici le Musée de Cluny, Musée du Moyen-Âge.
Son prédécesseur Yves Boiret, auquel il rend hommage, se voyait selon ses filles comme un « médecin des monuments ». Il avait notamment eu un projet de restauration du Saint-Sépulcre à Jérusalem. Pour l’ONU, il s’était rendu au chevet du temple d’Angkor. Il était intervenu sur des châteaux, des églises et des cathédrales ou encore le couvent des Cordeliers, à Paris. « Il était attaché à déjouer le risque redoutable de falsifier la beauté des monuments historique par un acharnement abusif. » Car ainsi que le souligne Bernard Desmoulin : « Un architecte peut autant inventer des édifices que soigner ces constructions qui accompagnent l’humanité. Yves Boiret avait à cœur de réunir les deux approches. »
En réponse à la question d’Aymeric Zublena, il concluait : « Fort de demain, ce que l’on regarde aujourd’hui n’existe déjà plus. Ces décors d’illusion inspirent une mélancolie que cache à peine l’idée de permanence.
Chers Académiciens, je vous remercie d’accepter parmi vous quelqu’un qui veut vous aider à entretenir cette magnifique illusion. »
Le moment de la remise de l’épée était venu.
Son épée a été réalisée par le sculpteur Marc Gassier d’après le dessin de Bernard Desmoulin. « Mon dessin pour l’épée est une représentation graphique sobre et naïve d’une démarche qui accepte pour référence le jansénisme et le baroque, l’austérité et l’excès. »
Sur la lame de l’épée, ont été gravés les initiales des prénoms de ses parents ainsi que trois mots de suspension « utile et futile »…
Il a repris dans un jeu de matière des réalisation qui ont marqué son parcours.
Le pommeau est un élément architectural de la Nécropole de Fréjus inaugurée en 1993.
La garde de l’épée reprend un motif architectural du pavillon d’accueil de Cluny.
Une épée pour l’Immortalité
Pingback: Henri Ciriani, Grand Prix d’Architecture de l’Académie des beaux-arts | Nautes de Paris